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3.79/5 (sur 267 notes)

Nationalité : France
Né(e) : 1965
Biographie :

Laurence Vilaine est une auteur française née en 1965. Le silence ne sera qu'un souvenir est son premier roman.
Après des études d’anglais et plusieurs séjours à l’étranger, elle se consacre à des travaux journalistiques. Rédatrice pour différents supports de communication, elle est aussi l’auteur de guides de voyage et de documentaires. Laurence Vilaine vit à Nantes. Elle est membre de la Maison des écrivains et de la littérature (MEL), créée à Paris en 1986.

Source : babelio et Decitre
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Bibliographie de Laurence Vilaine   (6)Voir plus


Entretien avec Laurence Vilaine à propos de son ouvrage La Grande Villa :



01/08/2016

La Grande Villa est l’histoire d’un deuil, celui de l’héroïne qui, on le comprend peu à peu, a perdu son père. Pourquoi avoir choisi d’évoquer ce thème dans un roman ? Son écriture s’est elle imposée à vous ?


Je n’ai pas le sentiment que ce texte est l’histoire d’un deuil, qui raconterait et décrirait la douleur. C’est un texte qui veut toucher au plus près ce qui surgit après la mort, avec la mort, cette conscience, subite, de l’absence de l’autre qui sera pour toujours. C’est le moment de cette prise de conscience que j’ai essayé de saisir. Comme quelque chose de fulgurant, comme un passage obligé aussi. Oui, ce passage obligé, qui fait aller chercher et émerger les mots, qui les libèrent et libère. Ça passe par le corps, par l’acte d’écrire lui-même. Ce texte parle aussi de cet acte d’écrire.



Le roman est un récit uniquement introspectif dans lequel la narratrice écoute beaucoup parler ses sens. Dans quel état d’esprit étiez-vous pendant sa rédaction ? Comment vous y prenez-vous pour mettre des mots sur ces émotions ?


Sans doute que j’écris les émotions qui m’habitent ou m’ont habitée, et qui traversent alors mes personnages de roman. Peut-on écrire des émotions qu’on imagine ?
Mettre des mots sur des émotions, c’est peut-être un besoin de partager. J’étais dans cette Grande Villa quand j’ai écrit ce texte, j’y étais pour écrire, je n’ai fait que ça. En alternance avec des kilomètres de nage. Écrire allait à ce moment-là de pair avec le mouvement, pour libérer la pensée.



Un grand flou règne dans votre roman autour des personnages et du lieu de l’action. Pas un seul nom propre n’est donné ; la narratrice n’est pas même décrite. Pourquoi ces zones d’ombres ?


Peu importe qui elle est, comment elle s’appelle, à quoi elle ressemble. L’essentiel est ce qu’elle ressent. C’est à cela que je me suis attachée, à ce qui la traverse. Et à l’instant qu’elle vit, avec ce qui l’entoure, une lumière, un vent tiède qui entre par la fenêtre ouverte, la nuit, l’odeur de l’été… qui ramène à l’essentiel, au vivant. C’est un peu comme un concentré de vie.



La Grande Villa, la maison qu’occupe l’héroïne pendant le récit, est un véritable personnage de votre roman. Comment et pour quelle raison êtes-vous parvenue à un tel résultat ?


Il est des lieux comme des personnes, comme des musiques ou des langues étrangères avec lesquelles il y a « rencontre », il y a l’évidence de la rencontre. Et vous avez le sentiment d’être à la juste place. C’est ce qui se passe pour la narratrice, qui habite ce lieu comme une évidence, il lui a d’emblée été familier alors qu’elle ne le connaissait pas. La Grande Villa est un lieu qui l’accompagne dans ce « passage obligé ». Elle en fait entièrement partie. C’est un lieu qui lui a permis de respirer, à un moment où elle manquait d’air. Ainsi le lieu devient personnage. On ne sait pas toujours expliquer pourquoi et comment ces rencontrent opèrent, avec des lieux, avec des gens. Il n’y a rien à expliquer d’ailleurs.



Ce roman est également un récit à propos de l’écriture. Vous évoquez souvent la dimension solitaire de l’exercice. La solitude est-elle pour vous une des conditions de l’écriture ?


Oui, elle m’est nécessaire. La solitude de l’écriture, c’est pour moi un long chemin, une descente, oui, un chemin qu’il est impossible de partager. Il faut y avancer sans personne, et traverser plein d’états, accueillir aussi bien le plaisir que la douleur, et tout ce que ce cheminement réveille, le sentiment de vide et de plénitude, la légèreté ou le désespoir, l’épuisement… Le doute, bien sûr. C’est tout ça à la fois qui définirait cette solitude. Mais il y a bien sûr plusieurs solitudes. On peut écrire au milieu de la foule, s’y sentir très seule, chercher la foule pour y être très seule ou la fuir.




Il est écrit sur la quatrième de couverture que vous avez passé l’année 2015 en résidence d’écriture. Pouvez-vous nous parler de cette expérience ?


Oui, j’étais à Alger puis à Marseille, un mois dans chaque ville, accueillie par la Marelle, une structure qui invite des écrivains en résidence d’écriture. Cette résidence était motivée par un pan de mon histoire familiale, celle de mes parents, de mon père surtout, qui a vécu quelques années en Algérie. Alors que j’étais à Alger, mon père est tombé malade, et il est décédé quelques mois plus tard. J’ai séjourné à Marseille, en résidence d’écriture, avant et après sa mort, deux semaines en hiver, puis deux semaines en été.
La prise de conscience de l’absence, dont je parlais tout à l’heure, est venue dans ce lieu, dès lors que j’ai mis la main sur la poignée de la porte quelques mois après sa mort, lors de mon 2e séjour qui me ramenait au 1er, avant sa mort. Ce lieu, c’est la Villa des auteurs. Je l’ai rebaptisée La Grande Villa, tant elle a eu d’importance à ce moment-là. Elle se situe en surplomb du site de la Friche Belle de Mai. Elle n’a été pour moi que bienveillance, elle était « Grande » avec une majuscule, comme une grande personne quand je me sentais tellement petite. Ce livre dit cet instant-là, chez elle.



Vous posez la question de l’écriture comme trace. Quel est votre avis sur la question ?


La trace, c’est le livre, les mots qui se diffusent, qui se décuplent, se donnent, se partagent. Pour ce partage, oui, la trace est importante. Et pour ce que permet ce partage– éclairer, se nourrir de l’autre, se sentir moins seul aussi après la traversée de l’écriture. Le moment du livre, c’est un peu renouer avec le monde, le temps de relever la tête de ses cahiers et de son clavier, c’est livrer la trace qui permet de poursuivre l’écriture, continuer le chemin, en emprunter d’autres.



Laurence Vilaine et ses lectures :



Quel est le livre qui vous a donné envie d’écrire ?


Aucun. L’envie d’écrire ne m’est pas venue de la lecture, d’autant que je me suis mise à lire très tard et que j’ai rempli des cahiers très tôt. Oui, l’écriture a précédé la lecture… Et je crois qu’il ne s’agit d’ailleurs pas d’une envie. C’est quelque chose d’intrinsèque.



Quel est l’auteur qui vous a donné envie d’arrêter d’écrire (par ses qualité exceptionnelles… ?)


Aucun ! Et ça me paraîtrait très bizarre, et malsain, d’arrêter d’écrire parce qu’un auteur ferait « mieux » ? On n’écrit pas pour se mesurer aux autres.



Quelle est votre première grande découverte littéraire ?


Le Ravissement de Lol V. Stein, de Marguerite Duras.



Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?


Il y a tellement de livres que je n’ai pas lus et que je veux lire, que je prends rarement le temps de relire…



Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?


Anna Karénine, Ulysse, Au-dessous du volcan… Des milliers d’autres. Mais pas de honte. Plutôt le regret. Il n’est jamais trop tard, mais j’aurais aimé rencontrer des livres fondateurs quand j’étais très jeune.




Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?


Le Roseau révolté, par exemple, de Nina Berberova. Et plein d’autres courts romans de cette grande dame. Qui en quelques pages vous dit tout.




Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?


Non. Pas une. Pas la mémoire des citations. Des bribes, des mots, le souvenir d’avoir aimé et recopié une phrase, plein de phrases (puis de les avoir égarées !) et le moment associé à cette lecture, le sentiment à ce moment-là, mais pas la phrase elle-même…



Et en ce moment que lisez-vous ?


A la table des hommes de Sylvie Germain. En alternance avec la revue Apulée, une nouvelle revue de littérature (publiée chez Zulma) qui réunit des textes de toutes formes, et d’écrivains de tout horizon, en lien avec le Maghreb et la Méditerranée. Je m’immerge et me nourris, avant de retourner en résidence d’écriture très prochainement à Alger.



Entretien réalisé par Marie-Delphine

Découvrez La Grande villa de Laurence Vilaine aux éditions Gaïa :



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Vidéo de

Interview de Laurence Vilaine, journaliste-enquêtrice et romancière, auteur d'un premier livre intitulé Le Silence ne sera qu'un souvenir. Dans cette première oeuvre elle aborde la condition du peuple Rom à travers l'histoire d'une communauté vivant en Slovaquie et dont elle nous a fait part lors d'un "café littéraire" de l'Institut Français de Valencia


Citations et extraits (87) Voir plus Ajouter une citation
Quand la vie gronde, les pieds vont plus vite que la tête, disait la Tante, parce que dès l’instant où tu nais, tu cours, sache-le, tu ne cours pas vers la mort, non, c’est elle qui te talonne.
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Quand elle est arrivée au village, on aurait dit une légende, à cause de son manteau jusqu'aux chevilles et le bord des manches plus loin que les doigts, une légendes à cause du brouillard par-dessus, à cause de son bonnet qui ramasse tout, de ses bottines de ville emmaillotées dans des carrés de laine et montées sur des crampons d'un autre siècle - d'où est-ce qu'elle sortait ça ? Quelle sotte, ce n'est pas parce qu'on vient à la montagne qu'il y a de la neige. Le soleil était à deux doigts de tomber derrière la Géante, et on aurait dit qu'elle sortait du soir lui-même, celui de l'hiver avec ses arbres qui craquent, les cris des bêtes qu'on invente et les portes qu'on barre à cause des histoires que les vieux font courir dans les montagnes, les sorcières blanches, les survivantes des cent cascades, le front bleu et du verre à la place des yeux - ça fait des siècles que les enfants ont ça dans leurs cauchemars. Ceux d'aujourd'hui n'ont pas l'air d'y croire longtemps, mais il y a encore des vieux qui à cause d'elles ne passent pas des nuits bien calmes.

(Incipit)
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Faire lentement pour faire juste, comme quand je parle je cherche le mot qui rarement me vient d'emblée, étirant souvent les silences comme on tire un fil de sucre brûlant jusqu'à ce qu'il froidisse et se brise. J'ai le besoin de cette justesse-là qui semble conduire au plus proche de soi, qui touche le coeur et colle tous les morceaux, alors on se sent un tout, un bloc, un morceau vivant jusqu'à la moelle. Ca pourrait ressembler à quelque chose de la vérité, à quelque chose de sa propre vérité, presque comme une certitude, peut-être la seule possible et défendable : ça toucherait du doigt qui on est exactement, justement, à ce moment-là quand on se sent comme un bloc. Ca dit le vrai de l'instant, ça dit le vivant, comme il est, oui, à cette seconde-là précisément. Je ne sais pas s'il y a les mots justes pour ce que je veux dire là.
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Il joue comme un dieu. S'endormant bien souvent à nos pieds, quand nous jouions des nuits presque entières, il nous a regardés faire, ils nous a écoutés, et, seul, il a fait de la musique sa raison d'être; des heures pouvaient s'écouler sans qu'il pose son archet.
Quand il joue, il a les yeux de son père, tout ronds; levés vers le ciel, mais tournée en-dedans, intra muros, dans sa forteresse.
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J'ai compris ce soir-là que la vie ne se résume pas à une maisonnette, à un livre d'histoires et à des mots brodés sur la poche d'un tablier, j'ai lu dans le sourire heureux de mon père qu'elle est aussi une route balisée d'inconnu, un immense terrain vague que je foulais pour la première fois, sans poser mes pieds dans les empreintes de ses pas.
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En nageant je t’ai parlé. Des mots à toi comme une
évidence, un flux de mots au rythme de mes gesticulations
dans l’eau, puis je les ai égarés – peut-être
parce que je nage vite, oui, je me dépêche et je nage
en désordre. Mes mâchoires restent soudées, et mes
poumons dans leur étau. Je suis presque nue, mais
une cuirasse écrase ma poitrine et pour flotter il me
faut batailler. J’alterne les nages, je tourne la tête, je
l’immerge, je cherche l’oxygène – juste respirer parfois
fait mal.
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Le berger monte à la verticale avec les mollets de celui qui a franchi bien des obstacles et fait confiance à ses pieds qui savent quand changer de cap.
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Dire adieu n'est rien, l'insupportable, c'est la séparation qui suit l'étreinte. Dire adieu, c'est un concentré d'amour, l'ultime peut-être, mais à l'instant où notre corps avec celui de l'autre ne fait qu'un, à quoi bon vivre par avance l'instant où ils se sépareront.
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Je nage entre les lignes comme j'écris sur celles de mon cahier, sans pause et en levant à peine la pointe de mon crayon - et comme on ne rebrousse pas chemin dans le désert, je ne fais pas de ratures, je les garde tous, les mots et leurs silences, qui peut-être, conduiront au plus juste.
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Pour trouver un emploi, il fallait désormais être qualifié. Même les musiciens, pour jouer dans les auberges ou les réceptions, devaient détenir un permis attestant de leur qualification. Inutile de dire que nos chances étaient pour le moins réduites. Avant même de prouver que nous étions en mesure de lire des notes sur une portée (ce qui aurait impliqué ou des nuits de travail ou une supercherie digne des plus grands fourbes de notre espèce), nous étions bien incapables de franchir avec succès la première étape du formulaire à remplir : nous avions beau nous appliquer à travers des croix propres et régulières, elles ne tombaient qu’une fois sur dix dans les bonnes cases, et les agents administratifs, peu friands de notre jeu du hasard, nous refoulaient vers la sortie
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