Citations sur États d'âmes (14)
Kristen se tient face à moi, m’attire à elle et, sans préambule pose ses lèvres sur les miennes. Puis tout s’enchaîne avec une fluidité onirique : nos vêtements glissent sur le sol, nos corps nus s’enlacent. Nous rejoignons le lit dans une danse tendre et lascive. L’excitation grandissante accélère nos respirations et électrise nos peaux qui n’ont de cesse de vouloir se toucher. Sous les caresses incessantes de Kristen, le plaisir m’enveloppe toute entière, cabrant mon corps, emportant mon esprit vers l’extase.
L’espace d’une hésitation, je suis tentée de m’inventer une autre vie, une « vie de cinéma », qui m’offrirait une chance de pouvoir séduire une actrice. Mais je me sens incapable de lui mentir, et, de toute façon j’ai toujours été très malhabile avec le mensonge. C’est bien ce qui m’avait valu les foudres de mon père, car, si j’avais renié mon amour pour Ruth et mon attirance « contre-nature », j’aurais échappé à cette mascarade d’exorcisme en implorant le pardon divin et paternel. Au lieu de cela, j’avais revendiqué la sincérité et la pureté de mon amour pour Ruth, ce qui avait eu pour seul effet de décupler la colère du pasteur qui n’avait plus rien d’un père, et d’être séparée de la seule personne qui m’aimait.
Je suis tentée de questionner la barmaid au sujet de la playlist et de son caractère répétitif, mais son air revêche et son regard à la fois distant et agacé m’en dissuadent ; ils ont pour effet de me faire sentir transparente, et j’ai l’impression que cette chanson qui passe à chaque fois que je suis ici a pour unique but de me le rappeler !
Telle un vampire, je dois dormir tout le jour et reprendre vie à la tombée de la nuit. Seules comptent mes nuits et mon rendez-vous ici, avec le fantôme de Kristen. Mon existence prend tout son sens dans cette douce et douloureuse attente quotidienne.
Mon père était un tortionnaire, froid, impitoyable et sadique ; ma mère, elle, se cantonnait au rôle de consolatrice, silencieuse et soumise, nous engageant à accepter notre sort ; mon frère, par stratégie ou lâcheté, s’était réfugié dans la foi, à la grande fierté de notre père.
Alice n’était pas venue à New York en quête de célébrité, mais pour y rejoindre une fille qui l’avait séduite dans l’Iowa. Mais les retrouvailles n’avaient rien eu de romantique, bien au contraire, Alice avait été froidement éconduite. Totalement anéantie, esseulée au cœur de la Grosse Pomme, elle s’était sentie piégée, méprisée, et avait alors sombré peu à peu dans le désespoir, avec une seule envie : disparaître, ne plus exister.
Elle est encore plus belle qu’au cinéma. Ses cheveux courts font ressortir son regard sombre et profond. Sa bouche, légèrement asymétrique, appelle au baiser. Les mouvements de ses mains sont des promesses de caresses. Son corps, si fluet, ondule et glisse. Sa démarche a quelque chose de félin.
Autour de moi, la terrasse, jusqu’à présent un peu déserte, se peuple de créatures aux allures de mannequins ; je ne saurais dire ce qui les différencie de moi : un maquillage plus professionnel, une tenue qu’on devine luxueuse même si elle semble ordinaire, une assurance dans la façon d’être, comme une habitude d’être en scène, la conscience d’avoir le privilège de faire partie de ce monde qui fait rêver : le merveilleux, le fantasmagorique Show Business.
Après tout, je ne suis pas son ange-gardien, je dois poursuivre mon chemin, réaliser mon rêve et devenir ce que je me suis promis d’être !
Face au désespoir, il ne reste parfois que la fuite…