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Critique de nilebeh


Comme une mélopée africaine, une incantation pour que meure la Bête... deux voix se parlent, murmurent, tremblent ensemble ou expliquent. Celle d'Ismaëlle, jeune fille qui porte la vie en elle mais aussi la mort, la mort de sa propre mère, à l'heure de sa naissance, comme si elle avait tué celle qui l'engendra. Et la mort de son père, le Pêcheur, parti sur les eaux du Lac Léman et qui n'en est pas revenu.

Lui répond la voix d'Ézéchiel, le fils de l'Ogre, qui vit de l'autre côté du lac, en Suisse, et qu'elle va rejoindre dans la barque du père, chaque soir. Ezéchiel, jeune héros noir, impressionnant de force physique et de solidité mentale mais abîmé lui aussi par une histoire familiale insoutenable. Il est le fils de l'Ogre, synthèse des dictateurs africains. L'image se dessine d'un tyran au chapeau en peau de léopard, sur les bords du lac Victoria, ou dans la ville de Goma. Mobutu, République démocratique du Congo, Kabila et Bokassa en RCA et les autres dictateurs africains font aussi partie de la lourde ascendance symbolique d'Ézéchiel.

Comme s'il portait en lui le poids de toutes les horreurs faites aux hommes, des mots d'allemand viennent se glisser parmi les lignes avec les marques du nazisme. L'horreur n'a ni patrie ni couleur de peau.

Il y a danger à lire ce livre, danger de fascination devant la force des images évoquées qui vous feront rager si, comme moi, vous ne savez tenir ni un crayon ni un pinceau, tant est fort le désir de porter sur le papier la magie des images. Danger de vous métamorphoser subitement en slameur, en rappeur, tant est fort le désir, après avoir lu à voix haute, d'y mettre le phrasé d'un Grand Corps malade - pour ne citer que lui. Alors que, septuagénaire et ex-prof de lettres vous vous pensiez aux antipodes de cette technique, définitivement marquée par l'alexandrin.

Mais le rythme s'impose, la phrase se scande, les images se répondent, les rimes intérieures sont évidentes. Il ne manquerait plus que, dans un prochain roman, Vincent Villemot me convertisse au langage SMS (riez, Rabanne-Anne et les autres!!!).

Et puis, il y a le fond. Cette dénonciation de la Puissance de la finance (en anglais :Mammon, le nom de la Bête qui se tapit sous l'onde glauque), de la cupidité jamais assouvie (Greed, en anglais), cause de tous ces cadavres qui remontent de la vase jaune du fond du lac Léman, rejetés des coffres secrets, rejets de tout ce qui fait l'humanité et qui vient créer le doute chez l'athlète africain : suis-je un Homme, un Ogre, moi l'enfant des monstres ? Question que se pose Ézéchiel, le Héros noir, envoûté par la si pure et si passionnée Ismaëlle.

Il y a là une profondeur de réflexion, servie par une capacité extraordinaire à dire, à suggérer, à émouvoir.

Un livre dont ne sort pas indemne, qu'on a juste envie de cacher pour le ressortir plus tard et, encore et encore, succomber à son charme.

Michel, de l'association des 68 1ères fois, m'avait écrit qu'il s'attendait à ce que ce livre me plaise et me secoue, comme ce fut le cas pour lui. Bien vu Michel ! Et merci de ta si jolie carte.

Merci aussi aux 68 1ères fois et aux éditions Les Escales pour cette découverte.
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