Pour ne pas se sentir prisonnière d’un amour trop fort, qui captait toute son énergie. Et qui inéluctablement ne pouvait que s’émousser. « Je fais ce choix pour t’éviter de le faire. » C’est ce qu’elle lui dit. Et elle le quitta en pleurant.
Grâce aux sentiments que lui fait partager Greg, elle sait maintenant qu’on peut désirer charnellement quelqu’un sans l’aimer, et grâce à ses travaux pratiques, elle vit désormais cette dualité entre le corps et l’esprit. Maîtresse du corps, épouse de l’âme. Elle n’a jamais autant aimé Adrian. Elle n’a jamais aussi bien fait l’amour avec lui que depuis qu’elle a couché avec son voisin dans un moment d’égarement. Quand Greg la frôle, qu’il l’embrasse, son corps s’électrise.
Il se laisse aller selon ses attirances, de femme en femme. Elles le séduisent, il les désire, mais aucune ne parvient à le retenir. Virginie arrive parfaitement à décrire cette emprise des sens alors que le cerveau bipe de tous les côtés, qu’il lance une alerte rouge générale. On dit que l’amour est aveugle, la passion serait sourde.
Un gage d’amour d’autrefois : je t’aime plus qu’hier et bien moins que demain.
Faire souffrir c’est difficile à accepter mais avoir l’impression de passer à côté de sa vie, c’est insupportable.
Elle a écrit comme une forcenée pendant quatre jours et voilà que son imagination est en cale sèche. Sa tête déborde d’idées de situations mais les émotions ne suivent pas. Elle se sent désertée, abandonnée par sa muse tel son appartement l’été par sa femme de ménage qui prend systématiquement ses vacances en décalé. Comme si elle s’en amusait.
Avec Adrian, ça va bien mieux qu’avant, elle doit le reconnaître. Elle n’a jamais été aussi charnellement amoureuse. Comme si un verrou avait sauté dans sa libido.
Ce n’est désormais plus dans les bras de son amant qu’elle s’abandonnera et trouvera l’inspiration pour son roman mais dans ceux d’Adrian. Voilà comment elle va se sortir très vite de cette digression. Et l’oublier à jamais.
Comparer, oh non, quelle horreur ! Il n’y a pas lieu de comparer, ça n’a rien à voir. Avec Adrian, c’est de l’amour, du véritable amour forgé dans une douce complicité, un respect et une confiance mutuels. Confiance ! Si Adrian savait… Avec Greg, c’est quoi d’ailleurs, l’exaltation des sens ? C’est cela, une sorte de réveil sensuel qui lui permet d’écrire. Juste d’écrire. Il n’y a rien entre Greg et elle. Rien d’important.
Néanmoins… Néanmoins, elle est si bien dans ses bras quand elle sent leur désir monter à l’unisson.
Elle le déteste aussi, avec ses allusions à deux balles. Des balles qui ont failli tuer son couple. Mais des balles dont ses dissimulations à elle sont la poudre. Et elle n’est pas fière d’en être arrivée là.
Parce qu’elle se sait désormais entraînée dans une spirale de culpabilité, de mensonge, de peur, de dégoût et d’une certaine accoutumance aussi à l’excitation, au piment de l’interdit, une fièvre violente l’envahit. Elle ignore comment elle va s’en sortir. Elle ne parvient plus à penser.
Virginie est sereine. Tant pis si le film ne mérite pas une seconde séance. Au moins elle l’aura vu officiellement. Faute à moitié effacée. Elle n’a pas été maligne, elle aurait dû dire qu’elle l’avait vu avec sa copine.