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Critique de Kirzy


Avec Les Poupées de Nijar, Gilles Vincent nous propose un roman kaléidoscopique d'une grande richesse. le point de départ est 100% polar : en Andalousie, des enfants disparaissent et sont retrouvés assassinés quelques jours plus tard, suspendus à des branches comme de sordides pantins. Aucun indice, aucune piste.

Classique, oui, sauf que le personnage que l'on va suivre n'est pas flic : Thomas est un reporter-photographe un peu fracassé par les drames qu'il a suivis et qu'il a vécus dans sa vie personnelle, mais jamais désabusé. Il garde sa capacité à s'indigner et une motivation fraiche et intacte à dire, à dénoncer les turpitudes de notre monde. Il est envoyé dans la province d'Almeria pour réaliser un photo-reportage sur les serres qui inondent l'Union européenne de fruits et légumes quelles que soient les saisons. C'est en logeant à Nijar qu'il découvre l'affaire des enfants et s'y intéresse.

La trame polar est parfaitement mené, avec un petit nombre de rebondissements, juste ceux qui sont nécessaires, sans excès, avec une intelligence dans la gestion de l'intrigue en révélant à mi-parcours l'identité du tueur, sans que cette révélation ne gâche le suspense ou l'intérêt du roman.

Au contraire. Car l'auteur nourrit son intrigue de couches successives qui amènent le roman bien loin du simple polar. Avec sa dimension sociale et écologique, le lecteur découvre le quasi-esclavage de migrants utilisés comme main d'oeuvre sous-payée dans ces serres : ils vivent à la marge, rejetés par les autochtones, sans eau courante ( trop précieuse dans la région ) mais avec coca-cola à volonté. Un gâchis humain mais aussi environnemental que cette mer de plastique en plein désert espagnol.

Et puis, il y a la dimension historique, celle qui apporte densité et profondeur : les silences et tabous liés aux crimes du franquisme ressurgissent en pleine figure de ceux qui croyaient qu'il y avait prescription. Et ça fait mal ! Les alternances passé / présent arrivent pile au bon moment, avec les mots justes, au moment où il le faut dans l'intrigue, laissant le temps au lecteur de réfléchir aux informations donnés, sans trop dévoiler non plus.

Pour faire le lien entre toutes ces strates, il fallait des personnages puissamment incarnés, et c'est le cas, ils sont tous formidables à commencer par le photo-reporter idéaliste si humain , son ex-compagne têtue et fine, l'enquêtrice du cru qui a l'intelligence de mettre son orgueil professionnel de côté pour chercher de l'aide, et tous les autres que je ne révélerai pas ici pour ne rien gâcher au plaisir de découvrir ce polar original et très réussi de bout en bout, jusqu'à sa fin lumineuse d'humanité qui remue.
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