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Critique de Kirzy


Kirzy
20 février 2021
On se dit que cette histoire a été maintes fois racontée : celle d'un innocent corrompu par l'expérience de la vie, d'un jeune homme au coeur de verre enfermé dans une guerre civile intérieure. Et pourtant, on se laisse embarquer dans celle racontée par Willy Vlautin . Devenir quelqu'un a la limpidité évidente des chansons de Neil Young ou de certains films de Clint Eastwood ( Millions dollars baby notamment ).

A première vue, l'écriture semble trop simple avec ses phrases nettes qui créent des images claires, parfois surdétaillées sur un quotidien ordinaire voire trivial. Très terre à terre, qui plus est porté par un récit traditionnel qui ne cherche pas à séduire par une extraversion avant-gardiste. Et puis le charme opère. En toute simplicité donc, avec une empathie incroyable pour les personnages, tous des sans éclat, des invisibles, des qui travaillent dur, des qui vivent dur. Impossible de ne pas s'attacher à Horace, jeune métis ( mi indien paiute, mi irlandais ) qui cherche désespérément à échapper à un sentiment étouffant d'échec, rongé par l'abandon de ses parents, plein de honte et de dégoût pour ce qu'il est. Il veut devenir boxeur et faire carrière au Mexique. Mais son rêve américain est exténuant car il doit renoncer au confort et à la sécurité de son emploi de rancher, à la liberté du plein air et à l'amour de ses quasi parents adoptifs.

Tout est tragédie des petites choses dans ce roman, tout est mélodramatique en sourdine, Willy Vlautin avance en douceur pour décrire avec subtilité les tourments d'Horace, ses combats de boxe n'étant que le reflet de sa vie : pas forcément doué mais il sait encaisser. Rapidement, le regard se porte au-delà d'Horace, vers M.Reesse, le vieux rancher père adoptif. C'est lui le personnage clef. Celui qui crée le passage à l'acte d'Horace : s'il n'est pas champion, il ne pourra accepter l'amour des Reese, ne sachant accepter l'amour qui est déjà là ne se sentant pas digne d'être aimé ainsi. M.Reese est aussi le catalyseur, celui qui montre comment les êtres humains en viennent à s'appuyer les uns sur les autres, incarnant l'espoir, l'entraide, la compassion, lorsqu'Horace sombre dans la solitude désespérante. M.Reese est un superbe personnage à l'humanisme magnifique.

On n'est pas très loin d'un conte philosophique très incarné et bourré de sensibilité, empreint d'un idéalisme optimiste, sur une ligne de crête qui pourrait faire aussi basculer le roman vers quelque chose de mièvre, de gentillet. Ce n'était peut-être pas loin, mais ce n'est pas le cas car Willy Vlautin a construit intelligemment son roman, l'air de rien, avec une fluidité invisible. Jusqu'aux dernières pages, superbes. Jusqu'à la dernière phrase, terrible. Je ne l'avais pas vu arriver, cette dernière phrase. Elle offre un tout autre éclairage au roman. Elle m'a bouleversée aux larmes et résonne aussi bien avec le titre originel ( Don't skip me out / Ne me laisse pas tomber ) qu'avec le titre français, en miroir.
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