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Critique de MarianneL


Les fictions d'Antoine Volodine sont des objets d'ailleurs, et ce livre publié en 2006 aux Éditions du Seuil en est une illustration éclatante, sans doute car il se situe encore plus que d'autres de ses romans au-delà de l'Histoire.
L'extinction de l'humanité est quasiment achevée et on ne croisera ici - dans le premier et le dernier récit du livre - qu'une ou deux femmes qui voudraient s'accoupler pour assurer leur descendance, faute de mâle humain survivant, avec l'éléphant Wong. Les difficultés concrètes de la chose et l'attitude de l'éléphant, qui ressent de la compassion face une situation dont il est seul à saisir l'absurdité, rendent le récit humoristique malgré la disparition tragique et misérable de l'espèce humaine.

Avec une construction en miroir découpée en sept parties qui se font écho, «Nos animaux préférés» est à la fois extrêmement noir et drôle, comme si l'humour était une arme d'une puissance proportionnelle au désespoir, affûtée pour pouvoir dire l'inadmissible. Trois récits mettant en scène Balbutiar, souverain de type crustacé ou crabe, qui dénoncent et ridiculisent ici l'absurdité et la cruauté d'un pouvoir dérisoire, évoquent Éric Chevillard par la fantaisie animalière, le maniement de l'absurdité et la virtuosité d'une écriture classique, mises par Antoine Volodine au service du politique.

«Minesse avait un jour été remarquée par le roi, alors qu'incognito celui-ci flânait dans le quartier des boutiques obscures. Ses parents tenaient une échoppe d'herbes et de confiserie, et ils y végétaient, accablés par la dégradation de leurs marges commerciales. Ils ne fondaient aucun espoir sur leur fille. Celle-ci en effet traversait avec insouciance la conjoncture économique défavorable, ne vendait son corps à personne pour aider à boucler les fins de mois ; elle n'avait pas l'absence de scrupules qu'il faut pour réussir dans le capitalisme primitif, et elle se piquait d'être étudiante.»

L'avancée dans la lecture est une progression vers la noirceur, même si les histoires, comme des contes obscurs aux références bouleversées, résistent à toute lecture univoque, à toute certitude. La «Shaggå du ciel péniblement infini», récit crypté de l'épuisement et de l'abandon de tout espoir, projette ainsi le lecteur dans une atmosphère crépusculaire, dans un monde devenu factice jusqu'au ciel et aux nuages.

«Il y eut un temps où sur les surfaces de brique la peinture blanche servait à construire une histoire et à appeler à l'aide ou à la révolte, il y eut un temps où des hommes et des femmes niaient l'idée de la défaite, il y eut un temps où même les animaux savaient établir la différence entre l'envers et l'endroit du décor.»

Les images d'Antoine Volodine resteront ancrées dans nos vies et dans nos rêves.
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