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Critique de elea2020


J'avais jusqu'à maintenant prêté peu d'attention au personnage de Napoléon Bonaparte, si ce n'est que je ne pouvais rester indifférente au mythe tel qu'il est relaté par Hugo, Balzac, Stendhal... Un monstre politique, un homme d'une envergure publique plus grande que nature. A vrai dire, je n'ai pas choisi ce livre, il m'a tapé dans l'oeil, sur les étagères de la bibliothèque chez ma mère, avec ses deux tomes, sa couverture en vieux tissu, ses gravures d'époque. le livre n'a même pas de date - le genre d'objet auquel je ne résiste pas !

La lecture est plaisante : ou Constant lui-même écrivait bien, un bon français classique sans effets particuliers, mais qui tient bien, ou il avait de bons correcteurs. Nous suivons son entrée dans ce métier exigeant de valet de chambre dès son jeune âge, alors que Napoléon n'est encore que Premier Consul, jusqu'au voyage à Erfurt en 1808. Il est à noter que des voyages, Napoléon en fera un grand nombre, qui sont souvent racontés, car ils sont aisément la source d'anecdotes folkloriques, alors que Constant ne s'appesantit pas sur les campagnes militaires, sinon celle de Boulogne. On peut reconnaître au valet de chambre une certaine modestie, une discrétion : d'une part, il ne cherche pas à raconter ce qu'il ne connaît pas, et quand il fait appel à des témoignages de seconde main il en donne la source ; d'autre part, il ne règle pas, ou peu, de comptes avec des ennemis politiques de Napoléon. Il est même parfois un peu critique envers son maître, néanmoins ce sera peu fréquent dans tout l'ouvrage.

Car il est évident que nous assistons à un portrait considérablement orienté, embelli : c'est le mythe de Napoléon qui se construit sous nos yeux, et d'une certaine manière ce témoignage est bien la réponse à ma question. Comment cet homme suscitait-il autant d'engouement, de confiance aveugle, d'admiration ? C'est tout de même peu commun qu'un homme d'Etat atteigne à cette stature. Comment ses soldats, les "vieux grognards", envers qui il ne ménageait pas les honneurs, étaient-ils aussi prêts à mourir pour lui, et l'idée de la France qu'il incarnait ? Napoléon est un homme en marche, en route pour une ascension fulgurante, et il entraîne un pays dans son sillage - voici de quelle manière il nous est dépeint.

Nous voyons bien dans ce récit le Napoléon stratège sur les champs de bataille, mais aussi l'immense travailleur qu'il était, un passionné qui prenait peu de repos. Nous apprenons à connaître le Napoléon féru de monuments, passionné par l'embellissement de Paris et des villes de ses conquêtes (mais aussi un Napoléon que cela n'embarrassait guère de rapporter dans ses valises le fronton d'une église, ou des statues antiques). Nous sommes souvent placés face au Napoléon généreux, à l'écoute de son peuple, toujours prêt à faire verser une pension à un vieux soldat, un prêtre, une veuve... le Napoléon qui aimait à se promener incognito et interroger les gens sans révéler son identité, croyant en la sagesse populaire (à peu de frais pour son égo, puisque le peuple l'idolâtrait).

Mais le despote que fut l'empereur tient peu de place dans ces Mémoires : on peut certes lire entre les lignes, remarquer qu'il plaçait toute sa famille à des postes de royauté, ou encore les maréchaux de l'Empire, qu'il n'hésitait pas à profiter de "rencontres" arrangées avec de belles jeunes filles moyennant finances ; on ne peut manquer sa sévérité à l'égard de conspirateurs ou d'opposants (ce que Constant semblait réprouver du reste, sans doute aurait-il attendu plus de clémence). Parfois, il semble agir sur un coup de tête, un caprice, et met son entourage en danger, ou encore tout lui est dû, il faut que ses ordres soient exécutés à la seconde près. Bien qu'il paraisse un homme enjoué et intéressé par son entourage, y compris ses serviteurs, jusqu'à leur frictionner les oreilles de bon coeur, il devait être extrêmement stressant de travailler sous ses ordres.

Enfin, il y a aussi la "petite histoire", et il faut avouer que Constant sait y faire : les mariages, les liaisons de ce beau monde y sont évoqués, on se prend aussi d'affection pour l'Impératrice Joséphine, aussi généreuse et bonne qu'étourdie et tête folle. J'ai du mal à comprendre que Napoléon puisse envisager de la répudier, même si cela n'est pas encore arrivé dans le tome 1, Constant fournit quelques pistes. Récit est fait de somptueuses fêtes, de bals costumés, de revues militaires, il semble que ce soit dans cette proximité, ces petits détails du quotidien que Constant excelle, qu'il ait simplement bonne mémoire ou qu'il recrée la Cour de l'Empire a posteriori. Il sait également narrer des scènes : ainsi nous voyons l'Empereur visiter l'atelier du peintre David, ou encore prenons connaissance des précautions prises pour la sécurité de Napoléon, dès le moment où il fut Premier Consul.

C'est donc d'une lecture divertissante qu'il s'agit, avec ce qu'il faut d'anecdotique pour se sentir proche des personnages. Il ne faut bien sûr rien y chercher de politique ou encore de critique. Je mettrai 4/5 parce que c'est bien écrit, varié, et qu'il a su à distance me donner de l'intérêt pour le personnage, fût-il à dimension mythique, de l'Empereur Napoléon Bonaparte.
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