Les enfants ici parlent avec des mots d'adultes et ont des pensées trop grandes pour leur âge. Il y a
Félix et les autres. Amis, père, mère, frère, soeur, professeur, étudiant, ne font que passer, le temps d'un dialogue avec
Félix, le marmot intelligent et perspicace. Ils se disent leurs quatre vérités dans une langue très « comme il faut », ont des manières polies et arborent la même attitude guindée. Leur calme déconcerte. La finesse de leur jugement aussi.
Dans les monologues,
Félix pétille de malice. Sa faconde atteint des sommets. L'auteur s'en donne à coeur joie. Sa jubilation est communicative. Ainsi, quand, sur une haute branche d'un arbre,
Félix devenu adolescent, dans un discours enflammé, invoque les héros de ses lectures afin de convaincre un camarade de le rejoindre sur son perchoir, je suis aux anges.
Les situations sont parfois cocasses, voire absurdes, les pensées exprimées, toujours intéressantes, celles de
Félix sont en plus originales ou tournées de façon si singulière qu'on a l'impression de les entendre pour la première fois. Une émouvante réconciliation entre
Félix, jeune homme, et son frère, se termine par ce superbe dialogue :
«
Félix : Tu es donc déjà prêt à m'accueillir dans les salons de ton affection ressuscitée ou peut-être en partie nouvellement éclose même ?
Adelbert : Je déclare qu'il était fastidieux d'être ton ennemi.
Félix : le respect serait donc générateur de plus de vie que le mépris.
Adelbert : N'en parlons plus à présent. »
Dans une autre scène, un étudiant parle de
Shakespeare : ses « personnages, si on les alignait, formeraient un long cortège aux costumes bariolés, une sorte de ruban, de grande écharpe. ». Image riante et juste.
J'ai bien l'impression qu'avec cette pièce composée de 24 petites scènes, je viens d'entrer dans l'oeuvre d'un très grand auteur.