Un verre de lait, s'il vous plaît

Livre bouleversant, édifiant, non pas tant sur la cruauté humaine, dont on sait qu'elle est sans limite, mais sur la force d'intégrité qui persiste et s'élève jusqu'à la plus audacieuse des résistances. Dorte traverse l'Enfer, mais jamais sa grandeur d'âme ni sa dignité ne brûlent. C'est pour sauver sa mère et sa soeur de la misère, et les extraire d'une situation dont sa naïveté l'empêche d'en comprendre toutes les conséquences, qu'elle quitte la Lituanie pour la Norvège, avec une candeur qui lui fait croire qu'elle pourra gagner beaucoup d'argent en tant que serveuse, alors qu'elle tombe entre les mains de proxénètes, violeurs et voleurs de vies, et qu'elle subit dès lors les pires tortures sexuelles... Pourtant, malgré les souffrances indicibles que Dorte doit subir, jamais ne s'effrite la bonté et la beauté de son âme. Elle "changera" trois fois de "réseau", de domicile, voire de ville; elle subira un geôlier un peu moins tortionnaire que les autres, un peu plus civilisé, (comme si les bonnes manières pouvaient rendre la traite des femmes moins abjecte), elle pensera même trouver un soutien, à défaut d'un véritable amoureux.
Pourtant, même au comble du désespoir, elle poursuivra son dialogue avec Dieu, se nourrira de ses souvenirs vécus auprès de sa mère et de sa soeur Véra, et plus que tout, elle vivra, avec intensité une communication rêvée avec son père décédé, et de cette communion, non pas irréelle, mais sur-réelle, elle trouvera la force de subir les prisons qui l'enferrent, jusqu'à ce qu'enfin, elle puisse solliciter et accepter le secours d'un journaliste intéressé (rencontré dans un train, où il aurait pourtant pu l'empêcher de tomber dans cet autre piège), Dorte connaîtra alors une double délivrance... Ce livre est un cri, un cri d'amour pour ces êtres que des hommes piétinent sans le moindre scrupule, il est une ode à toutes les formes de résistance, et un coup de poing contre ceux qui n'ont plus d'humain que l'apparence.