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Critique de fuji


fuji
01 septembre 2021
« Moi, Mahmoud Elmachi, je n'espère plus rien. »
Entre sa cabane au bord du lac el-Assad et sa barque, ce septuagénaire flotte dans ses souvenirs.
Le lac el-Assad est né de la construction du barrage Tabqa en 1973 qui a englouti son village et a obligé des milliers de personnes à vivre ailleurs.
De cette violence voulue par les autorités comme toujours pour le bien du peuple et la prospérité du pays, c'est toute une mémoire qui tend à disparaître.
Mais Mahmoud fait de la résistance à sa façon, chaque jour il part et plonge juste avec un tuba pour voir au fond des eaux les vestiges de sa vie.
Temps où la vie avait des couleurs malgré ses malheurs, il y avait aussi le bonheur.
Il est faible mais plonge chaque jour plus profondément. Beaucoup le prennent pour un vieux fou.
« Je prends ensuite une grande, profonde respiration,
Et tout ce que je connais mais que je fuis, tout ce que,
Je ne supporte plus mais qui subsiste, tout ce qui nous tombe dessus sans qu'on l'ait jamais demandé, je le quitte.
Une sensation exquise.
La meilleure. »
Ses fantômes sont vivants, ils s'appellent : Aïcha, Brahim, Salim, Nazifé et Sarah.
Nous découvrons sa vie et la leur au fil de l'eau.
Un long poème pour dire l'indicible, les vers nous enveloppent comme l'eau enveloppe Mahmoud.
Le lac c'est le liquide amniotique qui le fait se sentir vivant, relié à sa vie, le cordon ombilical de ses souvenirs fait pulser son sang, le réchauffe, le fait palpiter.
L'enfance lorsqu'il y avait des paysages, ses senteurs, de la vie, celle qui respectait la longue tradition d'un pays, berceau des civilisations…
La barbarie ne passera pas.
J'ai été éblouie par la forme de ce livre, le rythme, qui dit la violence du monde et comment ce vieil homme usé lutte avec une liberté absolue pour résister par la mémoire.
Le propos est puissant et les mots vous envahissent, vous frissonnez, vous avez mal et vos yeux sont comme le lac il y a la montée des eaux.
Il y a aussi un phénomène hypnotique, le lecteur est comme l'ombre de Mahmoud Elmachi qu'il n'oubliera pas puisqu'il nous offre « des sorbets au goût de liberté ».
« L'écriture comme une barque entre mémoire et oubli.
C'est reparti. »
Une façon magnifique « de sucrer les choses à volonté ».
Un des plus beaux textes qui m'aient été offerts de lire ces dernières décennies.
©Chantal Lafon

Lien : https://jai2motsavousdire.wo..
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