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Critique de Tandarica


Frank Wedekind (1864-1918) est considéré en Allemagne comme le précurseur du théâtre expressionniste. En 1890, au moment où commence le naturalisme, il écrit une tragédie de l'adolescence, « L'éveil du printemps » (Frühlings Erwachen) avec le sous-titre « tragédie enfantine » qui constitue avant tout une véhémente protestation contre la pruderie bourgeoise.

Ma critique porte sur cette seule pièce, traduite par François Regnault qu'il importe de bien situer dans son contexte.
Pages 302 à 307, un dossier nous renseigne sur la genèse de cette pièce. On y apprend ainsi qu'elle fut commencée en octobre 1890 et terminée à Pâques 1891. En 1908, on en est à la vingt-deuxième édition. Malgré les contraintes imposées par la censure, l'auteur a très peu remanié cette pièce et la version éditée dans les « Oeuvres complètes » ne diffère que sur quelques détails de la première publication. Cela me semble intéressant de voir que l'auteur a aussi fait oeuvre de « résistance » face à la censure.

Un mot sur les représentations : la première n'eut lieu que 15 ans après la rédaction de la pièce, le 20 novembre 1906, à Berlin (Wedekind jouait le rôle de l'Homme masqué) dans une mise en scène de Max Reinhardt. Depuis de grands metteurs en scène s'en sont emparés : Leopold Jessner (1907), Gustav Grundgens (1926 et 1945), Peter Zadek (1965), Peter Palitzsch (1973), Niels-Peter Rudolf (1974). En France elle fut mise en scène en 1974 par Brigitte Jaques et connut plusieurs adaptations, dont une en 2018 à la Comédie-Française.

La pièce est dédiée à « l'homme masqué » dont l'auteur écrira : « Il me répugne de terminer la pièce chez les écoliers sans points de vue sur la vie des adultes. C'est pourquoi j'ai introduit dans la dernière scène l'homme masqué. Comme modèle pour Moritz Stiefel surgi de la tombe, l'incarnation de la mort, j'ai choisi la philosophie de Nietzsche ».

Il n'y a pas d'action au sens habituel, mais plutôt une cohésion qui naît d'une progression des étapes et de l'organisation des tableaux. Ainsi, pour résumer le contenu de la pièce on peut se référer à un article de presse de 1912 : «Elle représente l'effet que font sur des jeunes gens naïfs, à l'âge de la puberté commençante, les forces réelles de l'existence ; avant tout, leur propre sexualité en éveil, les exigences de la vie, en particulier de l'école. Ils succombent dans le combat évolutif avant tout parce que ceux qui ont vocation pour les guider, leurs parents et leurs professeurs, par méconnaissance du monde–c'est la conception du poète–et par pruderie, négligent de les informer et de leur montrer le chemin par une aide compréhensive». La dédicace apparaît dès lors comme une sorte de remerciement de celui qui a eu la vie sauve et qui a su mettre ici en arrière-plan le respect de la nature, de sa pureté et de sa force, amour de la vie et de la liberté.

Je note également, la volonté de l'auteur de faire rire avec un sujet grave. Il écrit dans ces notes : «En travaillant, je me suis mis en tête de ne perdre l'humour dans aucune scène, si grave fût-elle. Jusqu'à sa représentation par [Max] Reinhardt, la pièce est passée pour de la pornographie pure. Maintenant on s'est donné le bon pour la considérer comme la plus sèche des pédanteries. On ne veut toujours y voir aucun humour». Pourtant il est bien présent d'une manière subtile, comme dans cette scène où Melchior évoque le livre qu'il lit (Faust) et conclut : «  à voir comme chacun s'obnubile tout le temps sur “ça” et se cramponne, on croirait que le monde entier tourne autour de deux choses : le pénis et le vagin ! » (p. 198)

J'ai une ado à la maison et je trouve que, fort heureusement, les choses ont beaucoup évolué depuis.
Bref, une pièce à découvrir sans aucun doute.
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