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Critique de Alfaric


Commençons par le commencement : au départ "Dragonlance" est un produit TSR, un jeu de rôle de la gamme AD&D, appelée aussi Donjon et Dragon. Malgré le scepticisme de leur direction, Tracy Hickman et ses collègues proposent d'éditer des romans en parallèle des jeux (e(en plus des nouvelles déjà publiées dans le magazine "Dragon", connu sous le nom de "Dragonmagazine" hors des USA). Pour les preneurs de décisions cela ne sert à rien, et de toute façon cela serait trop compliqué à lire pour le public cible : bouffons, on n'écrit pas de la même manière pour les enfants de l'entre-deux-guerre et pour les adolescents des années 1980 ! Encore des visionnaires, puisque si les 16 modules de jeu d'origines ne sont aujourd'hui plus que des objets de collection (bien qu'ayant été suivis d'environ 50 suppléments), il a été écrit plus de 200 romans autour de la saga Dragonlance et du monde de Krynn qui ne sont vendus à des millions et des millions d'exemplaires...

Dans "Dragonlance" nous sommes dans le monde de Krynn, et depuis Cataclysme qui vit il y a trois siècles la chute d'une montagne de feu sur l'Empire d'Istar les dieux ne répondent plus aux mortels (post apo SF = plus de technologie, post apo Fantasy = plus de miracles et/ou de magie). Et alors que les Questeurs tentent d'imposer un nouveau culte avec de nouveaux dieux, Takhisis la Reine débarque à son tour pour conquérir le monde et le transformer à son image... Mais c'est sans compter sur le code gandalfien qui recrute une communauté pour la contrecarrer !
C'est de la easy fantasy, et au-delà de la nostalgie c'était plutôt cool et fun. La spécificité du jeu "Dragonlance" par rapport aux autres produits AD&D, c'est qu'on incarne pas un personnage que l'on a créés soi-même mais des personnages déjà créés qui ont un vécu et un passé (et les auteurs ont plus conçu la saga comme une pièce de théâtre que comme un jeu, ce qui a ses qualités au niveau des dialogues mais aussi ses défauts au niveau des scènes d'action) : les membres de la communauté de l'Auberge du Dernier Refuge sont déjà des aventuriers et ils ont déjà bourlingué, donc on a tout de suite des dialogues bien enlevés (et pour ne rien gâcher Tracy Hickman est un fanboy des "Trois Mousquetaires" d'Alexandre Dumas) qui nous les font découvrir eux et leur dynamique de groupe, au lieu de se coltiner la sempiternelle phase d'apprentissage et ses passages forcés... Et il y a dire avec Tanis le tourmenté, partagé entre ses ascendances humaine et elfique, Sturm qui face à un présent déplaisant se réfugie dans un passé rêvé, les rouspétages du nain querelleur, la kleptomanie maladive du semi-homme, les sarcasmes cyniques du sorcier qui ne manque pas de railler ses compagnons qui eux le soupçonnent constamment de flirter avec le Côté Obscur, mais qui est toujours défendu bec et ongles par son frère jumeau guerrier quand il ne s'écrie pas « baston ! » avant de s'élancer au combat... J'ai découvert la trilogie d'origine à travers une version director's cut et le malking off réalisé par les auteurs est plein d'anecdotes amusantes, alors j'ai plus lu en mode 2e degré qu'en mode 1er degré et j'avais en tête les voix des personnages du "Donjon de Naheulbeuk" ^^


Mais il y a des trucs qui ont gâché mon plaisir, et pas qu'un peu :

1) le tolkienisme de la fantasy yankee !
Je ne me suis longtemps demandé pourquoi la fantasy américaine reprenait, copiait et singeait Tolkien encore et encore alors que la fantasy anglaise a depuis longtemps tourné la page... le monde entier a connu la tolkienmania dans les années 1960 et 1970, mais aux USA elle n'a jamais cessé car les messages religieux de Tolkien répondent aux préoccupations religieuses des américains (une telle idolâtrie pour un catholique venant d'anti-papistes aussi convaincus, c'est cocasse ^^) : le calvaire de Frodon, c'est le calvaire du Christ, et puis dans le "Silmarillion" il y a les hommes qui se détournent des dieux, et pèchent par orgueil avant d'être punis par le feu du ciel... Entre la christian fantasy de l'école mormone et la christian fantasy de l'école évangéliste, le parcours de la fantasy américaine est complètement miné pour un lecteur athée ! (voir point 3)
Bon, ici on reprend l'univers, les thèmes, les situations, les scènes, les personnages et même les citations de Tolkien (il faudrait écrire une thèse lister tous les repompages tellement ils sont nombreux et variés)... le code gandalfien (Fitzban), le ranger sang-mêlée de noble ascendance (Tanis / Tanthalas, qui trouve forcément un épée magique en passant sous les montagnes), le chevalier humain issu d'un nation naguère glorieuse mais aujourd'hui en déclin (Sturm), le nain bougon (Flint Forgefeu), le semi-homme trop curieux pour son propre bien (Tasslehoff Raclepieds qui trouve forcément une dague magique en passant sous les montagnes), mais aussi le prince elfe qui accompagne la communauté (Gilthanas), la princesse elfe qui voudrait accompagner la communauté (Lauran) et le souverain elfe qui préférerait fuir plutôt que combattre (Solostaran). Et pour ne rien gâcher les pièces rapportées à ce tolkienisme sont les jumeaux Caramon et Raistlin, pastiches de Conan et Elric, et les Lunedor et Rivebise les Amérindiens WASP archétypes de romans à l'eau de rose... Sinon on retrouve bien sûr les artefacts magiques (les orbes draconniques remplaçant les anneaux de pouvoir), le grand méchant millénaire (Takhisis remplaçant Sauron), prophétie qui dit à l'élu des dieux comment vaincre... Heureusement qu'on remplace les peaux-vertes par les draconiens qui nés par sorcellerie meurent pas sorcellerie (pétrification, liquéfaction, explosion...), cela amène un différenciation bienvenue !
Mais cela bien plus loin, car si j'ai bien compris il existe aux États-Unis des ateliers d'écriture qui t'apprennent à écrire comme Tolkien, dont ici on suivrait le cahier des charges à la lettre... Donc parmi tant d'autres choses à suivre absolument, il faut ancrer fermement l'histoire dans le passé pour rendre le monde secondaire réel : du coup on multiplie les légendes, les mythes, les poèmes, les chansons et les descriptions des ruines du passé mais au bout du tome 1 impossible de savoir le moindre truc sur la situation présente du monde de Krynn (quels peuples, quels nations, quelles religions, quels conflits, quels niveaux de technologie... on ne sait rien de rien !!!) A force d'ancrer l'histoire dans le passé on ne connaît plus rien du présent et c'est super chiant ! A un moment les héros se servent des légendes du passé comme GPS et j'ai soupiré : pourquoi cela marche chez Tolkien et pas chez les plagieurs ? Parce que Gandalf, Sauron et tutti quanti sont tellement vieux qu'ils ont vécu les événements racontés dans les chansons de geste qui leur servent de pense-bête !!!

2) le romantisme de Margaret Weis !
Ah ça, la saga est truffées de romances, à tel point que le recueil de nouvelles "Guerre et Amour sur Krynn" c'est très très bien vendu (et qu'au départ il y avait aussi "Heartquest", une Romance Dont Vous Êtes L'Héroïne ^^)... Je n'ai rien contre les romances en général et les romances SFFF en particulier, mais les scènes 100% Barbara Cartland qui s'insère entre deux passages à la Tolkien ça fait trop bizarre ! Déjà rien que la princesse barbare fière mais fragile qui joue au je t'aime moi non plus à avec son amant roturier aux bras puissants et au coeur vaillant, bonjour les gros clichés du genre ! Et puis attention, veillent au grain les Mormons : pas de sexe avant le mariage, et les embrassades ne sont tolérés que pour ceux qui sont de longue date fiancés... Soupirs...

3) le mormonisme de Tracy Hickman !
Il est un membre zélé et prosélyte des de Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, et il ne cache aucunement utiliser ses romans pour prêcher les messages de sa religion (qui passent essentiellement par des scènes de guérisons miraculeuses comme dans les récits de saints et de martyr des premiers temps du christianisme). Certains points du récit ou du wordbuilding n'existent que pour les placer, et on sent bien que les forts sont ceux qui ont la foi parce qu'ils ont les réponses et les faibles sont ceux qui n'ont pas la foi parce qu'ils n'ont que des questions sans réponses... Donc si les individus et les peuples veulent être protégés du mal, ils n'ont qu'à retrouver la foi et prier que Dieu le protège du Mal... On est au 3e millénaire, et on en est encore là : prier pour que super-papa nous disent quoi faire et nous protège des autres et de nous-mêmes qu lieu de se prendre en main et de construire son destin des ses propres mains... Que c'est triste, et on retrouve cette idéologie religieuse très / trop souvent dans la fantasy yankee (élu, prophétie et tutti quanti) !


Parlons quand même un peu plus en détail de ce tome inaugural de la saga, "Dragons d'un crépuscule d'automne" qui est découpé en deux parties qui recoupent les modules de jeu "Dragons of Despair" et "Dragons of Flame".
Dans la 1ère partie le code gandalfien réuni sa Communauté pour contrecarrer les plans du méchant millénaire, et tout le monde se retrouve à la ville sylvestre de Solace à l'Auberge du Dernier Refuge... Sauf Kitiara qui n'est dans ce tome 1 qu'un fantôme qui hante ses demi-frères et son amant, avant d'être remplacée par la flamboyante rousse Tika Waylan car on apprendra ensuite que SPOILER. Mais tout le monde est à la recherche d'un bâton de cristal bleu (pourquoi ? OSEF !), et la Communauté tombe dessus quand elle rencontre les Amérindiens WASP Lunedor et Rivebise (d'où vient-il ? OSEF ! comment l'ont-il obtenu ? OSEF ! Ou plutôt pourquoi Rivebise a-t-il accompli une grande Quête du Graal pas claire du tout pour trouver l'objet de sa quête juste de l'autre côté des montagnes qui bordent sa terre natale... McGuffin ou Deux Ex Machina ? ^^). Les sbires des théocrates corrompus qui semblent avoir le vent en poupe depuis qu'ils sont en affaire avec de mystérieux étrangers encapuchonnés lancent leurs sbires menés par le dénommé Crapaud à leurs troussent, et s'ensuit une cavale à travers mont et vallées et une succession de péripéties tolkiniennes à laquelle il faut ajouter des licornes et des pégases girlies. Les héros tombent sur une armée d'invasion du Mal (ah oui, il y avait des rumeurs de guerre dans le nord... Soupirs...), et une prophétie leur dit d'aller à dans les ruines de Xak Tsaroth pour récupérer les disques de Mishakal (Pourquoi faire ? Pour raviver la flamme de la foi et ramener les ouilles dans le giron de la vraie religion... Soupirs...). J'avoue que la fin de la première partie est particulièrement décevante : dans mes souvenirs le donjon de Xak Tsaroth et la combat contre le dragon noir Khisanth étaient épique, alors que là c'est une escarmouche, un Deus Ex Machina et la destruction du repaire du méchant dans la plus grande tradition yankee... Par contre on n'oublie pas le cahier des charges tolkienien, les romances à l'eau de rose, et les messages religieux mormons !
Dans la 2e partie, c'est retour à la case départ car les héros retourne à Solace donc à la case départ, et dans la ville détruite par l'armée d'invasion du mal conduite par le Seigneur Dragon Verminaard (alias le père caché de Galbatorix ^^) et son dragon rouge Ambre / Pyros (waouh bravo l'originalité). le héraut de la reine des ténèbres m'a bien fait penser au sorcier maléfique du "Donjon de Naheulbeuk" en passant son temps à humilier Crapaud qu'il trouve amusant alors que dans son dos Ambre / Pyros censément sa monture et son subordonné applique les plans que leur maîtresse commune n'a pas cru bon de lui confier... Toujours est-il que le code gandalfien veille au grain sous l'identité du magicien fou Fizban, donc les héros capturés sont épargnés et libérés par la résistance elfe sur le chemin des mines de Pax Tharkas. Telenova elfique au Qualinesti, et nos héros décident de libérer les réfugiés humains devenus esclaves pour créer un second front et empêcher la chute du royaume elfe. Durant la traversée de la Moria bis, il devient clair qu'il y a un traître parmi les héros : est-ce Raistlin qui passe son temps à railler et à critiquer tout le monde (mdr la crise d'ado à la Sasuke de "Naruto" qu'il nous fait : « Ouin, personne ne m'aime... Ouin, personne ne me comprend... J'ai toujours été faible et je veux plus de pouvoir pour me venger des moqueries que j'ai subies quand j'étais petit ! »), Gilthanas l'ami d'enfance de Tanis qui a miraculeusement survécu à ses compagnons d'armes massacrés par les méchants, ou la pièce rapportée Eben qui en sait beaucoup trop pour être honnête et qui chaque nuit quitte le groupe pour aller on ne sait où ? le suspens est insoutenable ! ^^
Verminaard et son dragon rouge intriguent l'un contre l'autre (foreshawing au sujet du dénommé Berem Everman ^^), Fizban et Tass jouent aux espions, et le reste de la Communauté joue aux résistants : les hommes ne peuvent se rebeller parce que les femmes sont tenues en otages, et les femmes ne peuvent se rebeller parce que les enfants sont tenus en otages... Quand Frappeflamme / Matafleur la vieille dragonne zinzin traumatisée de guerre prend le parti des enfants, la donne change et a lieu la bataille finale en dépit de la trahison du traître... Les rebelles gagnent, il y a une grande fête et un beau mariage, et on n'oublie pas le cahier des charges tolkienien (mention spéciale à cette histoire de plume, qui reprendra de fort jolie manière Michael J. Sullivan dans "Les Révélations de Riyria"), les romances à l'eau de rose et les messages religieux mormons ! Allez zou, direction le tome 2 pour (re)découvrir la suite de la saga ^^


Challenge défis de l'imaginaire (SFFF) 2018
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