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Critique de Dombrow01


Difficile de noter L'ivrogne et la marchande de fleurs car c'est un témoignage nécessaire et bien documenté, mais c'est un peu fastidieux à lire. Tout le monde, sauf les analphabètes et les communistes de mauvaise foi, sait que des purges ont eu lieu en URSS dans les années 1937-38, qu'elles ont été violentes, mais peu de gens savent pourquoi et comment elles se sont déroulées. Nicolas Werth nous donne tous les détails de cet épisode douloureux de l'histoire et sur lequel la lumière n'a jamais été vraiment faite. La "déstalinisation" n'était qu'une farce destinée a charger tous les crimes du système sur le dos du dictateur décédé pour occulter les responsabilités des autres.

L'ampleur des purges de 1937 a dépassé les prévisions initiales, comme si elles étaient victimes de leur succès. La 1ère phase a consisté à éliminer les cadres du parti parce qu'ils étaient dangereux. En effet, les communistes purs et durs avaient un idéal auquel ils étaient dévoués corps et âme. Staline ne comptait pas s'en tenir à ça et cherchait des cadres qui lui étaient dévoués à lui, pas au parti, et comme il ne connaissait qu'une méthode, il fallait les éliminer définitivement. Sur les 139 membre du Comité Central de 1934, 98 ont été fusillés lors de cette période. Quant aux cadres locaux, leur procès répondaient à une fonction pédagogique, car ils devaient "illustrer la sollicitude de Staline et des plus hauts dirigeants envers le « petit peuple » brimé par les « mauvais bureaucrates » qui s'étaient mués en « ennemis du peuple »."

Ce qui est extraordinaire, c'est qu'on s'attendrait à ce que le fait de tuer des cadres du parti ait une influence néfaste sur les autres. Et c'est exactement le contraire qui s'est produit ! D'abord à cause de la peur, puisque plus personne n'est protégé par sa fonction : il faut donc faire du zèle pour rester en place. Et aussi parce que lorsqu'on supprime des chefs, les possibilités de promotion deviennent bien plus nombreuses, et tous les ambitieux se démènent pour récupérer les postes prestigieux qui se libèrent. Ils deviennent de parfaits exécutants pour le pouvoir stalinien, prêts à tout pour se faire valoir, sans imaginer qu'ils seront les victimes de la prochaine purge.

La 2ème phase était la chasse aux koulaks, à la fois les "paysans riches" et les opposants à la collectivisation des terres. Ceux-là sont un obstacle à la bonne marche des kolkhoses, des cibles faciles à blâmer pour la faillite de l'agriculture collectiviste. le kolkhose ne fonctionne pas bien, on les accuse de sabotage, on les fusille ou on les déporte et le tour est joué.

Enfin la 3ème phase est l'élimination des "nuisibles". Cette catégorie fourre-tout comprend les Russes d'origine étrangère, susceptibles d'être retournés par l'ennemi en cas de conflit, ainsi que ceux qui sont en contact avec les étrangers : "Toute personne ayant eu un contact avec un représentant consulaire ou commercial polonais" par exemple, critère qui a été particulièrement utilisé dans les zones frontalières de l'URSS. Tous ceux-ci seront arrêtés pour espionnage. Enfin sont inclus dans cette catégorie les accusés de "propagande anti-soviétique" et les "ennemis du régime", arguments assez libres qui "ouvraient un formidable espace d'inventivité et de liberté aux agents du NKVD" comme dit l'auteur.

Staline a d'abord fixé des quotas de personnes pour chaque région. Ceux de 1ère catégorie seront fusillés, ceux de 2ème catégorie seront condamnés à 10 ans de gulag. Iejov, en charge de la bonne exécution du plan, ajoute que "ceux qui réaliseraient les quotas les premiers seraient considérés comme les meilleurs et les plus vigilants". Les chiffres étaient censés être un maximum, mais les tchékistes étaient si zélés (et tellement dépourvus d'humanité), qu'ils ont vite atteint l'objectif et réclamé des augmentations de quotas, si bien qu'il y a eu beaucoup plus de victimes que prévu au départ.

On parle souvent de la cruauté nécessaire aux participants au système concentrationnaire nazi, mais en URSS des fonctionnaires arrêtaient et torturaient leurs propres concitoyens pour leur faire avouer des crimes inventés, et en plus ils outrepassaient les nombres exigés par le parti ! Souvent les policiers rédigeaient le document contenant les "aveux" de l'accusé, puis le torturaient jusqu'à temps qu'il le signe.

1.500.000 personnes ont été arrêtées durant les purges staliniennes, dont la moitié ont été fusillés et les autres envoyés au gulag dont beaucoup ne sont pas revenus. L'URSS fusillait 50.000 personnes par jour !!! Voilà la réalité que nous fait découvrir Nicolas Werth dans cet ouvrage.

Le livre est bourré de statistiques, de nombres de victimes par région, par nationalité, beaucoup de chiffres qui témoignent de la solidité du travail de recherche mais rendent la lecture un peu indigeste. Beaucoup d'exemples également, dont deux ont donné le titre du livre. Enfin beaucoup de textes officiels soviétiques, tous aussi cruels et ch.... à lire. Tout ce matériel prouve le sérieux du livre mais rendent la lecture très austère. Dommage car les crimes dénoncés dans cet ouvrage méritent d'être connus de tous.
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