AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Renod


« Cry father » retrace les trajectoires de deux âmes rongées par un manque sans fin qui finiront par se percuter frontalement. Patterson ne parvient pas à se remettre de la perte de son fils. Pour ne pas laisser libre à ses sombres pensées, il s'abrutit par le travail et la boisson. Il travaille sur des chantiers de réhabilitation de zones sinistrées par des catastrophes naturelles. A la fin de ces chantiers épuisants, il regagne sa cabane située au fond de la mesa, dans les larges espaces du sud du Colorado. Il y vit seul avec son vieux chien et passe ses soirées à se saouler. Il n'a de contact qu'avec un de ses lointains voisins Henry. Junior, le fils d'Henry, est l'autre âme perdue de ce récit. Il gagne sa vie en convoyant de la "chrystal meth" pour un cartel mexicain. C'est un être à la dérive, toujours sous l'emprise de la cocaïne et de l'alcool, qui peut se montrer d'une violence sans limite. Les deux hommes vont se rencontrer et s'entraîner dans une longue chute sans retour.

Le titre du roman est explicite, il est question ici de paternité en souffrance. Patterson ne se remet pas de la mort de son fils. Il lui écrit régulièrement des lettres pour lui raconter sa vie, ces courriers constituant les chapitres les plus poignants du récit. Son ex femme a - contrairement à lui - su dépasser son chagrin. Elle a eu un nouvel enfant d'une autre union. Patterson ne parvient pas à répondre positivement à l'invitation de cette dernière de les rejoindre pour former à nouveau une famille. Quant à Junior, il cultive une haine ardente pour son père. Son enfance a été marquée par l'alcoolisme de ses parents. Lui-même ne parvient pas à assumer son propre rôle de père et vit à l'écart de son amie et de sa fille. Pour reprendre les mots de Patterson :« Nous sommes tous la somme de nos pertes. Tout comme mes foirages en tant que père venaient, en partie, de pertes que j'avais subies avant que tu naisses. Rien ne s'arrête, rien ne se soigne. » En somme, nul ne guérit de son enfance. Les deux hommes sont minés par un vide affectif qui ne pourra être comblé. La philosophie du roman noir est respectée : il n'y a aucune rédemption possible.

Benjamin Whitmer évoque les zones sinistrées de l'Amérique, celles des villes et celles des champs. Ce sont les quartiers défavorisés de Denver, pollués, malfamés, dont même la police s'est désintéressée. Il évoque également les grands espaces de la San Luis Valley, au sud de l'État du Colorado. Pour imaginer ces paysages, j'avais en tête les images du film « No country for old men ». Dans cette contrée périphérique, une émission diffusée à la radio reçoit une large audience : un prêcheur mystérieux y développe les pires théories du complot.

"Cry father" est un roman tout à la fois sombre et beau, brut et délicat, violent et pertinent. Je suis impressionné par la puissance de ce nouvel opus de Benjamin Whitmer. Un auteur à suivre.
Commenter  J’apprécie          320



Ont apprécié cette critique (27)voir plus




{* *}