AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Presence


Ce tome fait suite à Birthright Volume 5: Belly of the Beast (épisodes 21 à 25) qu'il faut impérativement avoir lu avant. Il faut avoir commencé par le premier tome, car il s'agit d'une histoire continue. Il comprend les épisodes 26 à 30, initialement parus en 2017/2018, écrits par Joshua Williamson, dessinés et encrés par Andrei Bressan, avec une mise en couleurs réalisée par Adriano Lucas. Comme d'habitude dans les recueils édités par la branche Skybound d'Image, les couvertures ne sont pas incluses à l'intérieur.

Quelque part dans l'obscurité, Michael Rhodes éprouve la sensation de se noyer, s'enfonçant de plus en plus dans les ténèbres des abysses. Dans le même temps, il se souvient de la bataille titanesque qui a opposé les forces de Rook au Roi Dieu Lore. Michael progresse en se taillant un passage au travers des ennemis, les décapitant et pourfendant avec sa gigantesque épée. Il arrive bientôt devant la porte du palais de Lore, défendue par un gros orc, armé de griffes métalliques attachées à ses mains. Ce dernier lui fait observer qu'il peut sentir la peur sur le corps de Michael. Celui-ci rétorque qu'il s'agit de l'odeur du sang par lequel il a été éclaboussé tout du long de sa progression, en tuant ses ennemis. Ce combat connaît une issue brutale, et Michael peut enfin pénétrer dans ce gigantesque château qui abrite Lore. Il parcourt plusieurs pièces en courant, l'épée pointée en avant, et finit par tomber nez à nez avec Samael Rhodes (c'est-à-dire son grand-père) pour son sa plus grande stupéfaction. Il se souvient de la bataille contre Mastema, et de la raison pour laquelle il éprouve cette sensation de noyade.

En parallèle de cette exploration de la mémoire de Michael Rhodes, la petite troupe a pris place à bord d'un train en direction du nord de l'Écosse. À son bord, se trouvent Aaron Rhodes, Wendy Rhodes, Samael Rhodes, Rya et sa fille Mya, et d'une certaine manière Michael. Brennan Rodes est toujours aux mains de Kallista. La petite troupe a accepté d'accompagner Samael Rhodes qui leur a promis de les mettre à l'abri. Malheureusement, une autre troupe de 7 personnes attend le train de pied ferme, au milieu de la campagne. L'agent Boomer est à leur tête et il a pour mission de monter à bord du train et de déterminer quelle est la destination de la famille Rhodes. Après une action de haut vol pour accéder au train, ils revêtent des tenues de civil. L'agent Boomer aborde Aaron Rhodes alors qu'il tient sa petite fille dans ses bras, et entame la discussion sur le thème de la paternité. le voyage promet d'être mouvementé.

Même s'il y avait eu une petite baisse de régime dans le tome 5, le lecteur revient pour ce sixième tome, avec une grande curiosité. Son horizon d'attente couvre à la fois des révélations sur l'endoctrinement de Michael Rhodes, et sur l'état d'avancement des machinations du Roi Dieu Lore pour pouvoir mettre pied sur Terre. La première page le laisse visuellement sur sa faim, avec un glissement progressif vers les profondeurs d'une eau noir indéterminée. Par contre, dès les 2 pages suivantes (un dessin s'étalant sur les 2 pages en vis-à-vis), il se souvient de la qualité de la narration visuelle. Andrei Bressan propose une vision d'ensemble de l'attaque concertée des forces ralliée par Rook. Cette double page transcrit bien le caractère monumental de l'attaque, même si le lecteur aurait pu espérer un niveau de détail un peu plus élevé pour les différentes créatures de chaque bataillon. Par la suite, le scénariste a ménagé encore plusieurs scènes spectaculaires dans lesquelles l'artiste s'est fortement investi et en donne pour son argent au lecteur. Les visuels des scènes spectaculaires transportent le lecteur par la force de leur conviction, que ce soit le déraillement du train, le sanctuaire inattendu du Roi Dieu Lore, le lieu caché où Samael Rhodes emmène les autres voyageurs. L'artiste impressionne d'autant plus qu'il réussit à insuffler une forte conviction dans des éléments visuels du genre Fantasy, devenus des conventions banales au fil de leur utilisation. Ainsi l'apparence de Lore en mode attaque (dans un dessin en pleine page quand même) arrive à impressionner le lecteur.

Andrei Bressan n'impressionne pas que par ses dessins en pleine page. Il continue de faire preuve d'inventivité également dans ses mises en page, par exemple lors de la plongée de Samael dans les souvenirs de Michael, avec une composition en double page tirant profit des possibilités offertes par l'infographie, sans que le rendu final ne soit trop froid, ou encore avec la scène de déraillement du train, occurrence pourtant régulièrement représentée dans des séries d'aventures. le lecteur est emporté par la force de conviction de la mise en page dès la séquence d'attaque de la forteresse de Lore, par les forces de Rook. Michael présente toujours la même morphologie de grand guerrier massif avec une épée un peu longue pour être facilement maniée. Même s'il a lu des dizaines d'épisodes de Conan le barbare, le lecteur est sous le choc de la brutalité de la progression de Michael, par sa détermination inflexible, par la force des coups qu'il porte. À ce titre, la manière dont il massacre le gardien de la porte reste longtemps en mémoire. L'artiste compose ses pages en fonction de la nature de la séquence, utilisant avec pertinence, aussi bien des cases de la largeur de la page, que des cases juxtaposées en bande.

Dès le début de la série, Andrei Bressan a conçu des personnages facilement identifiables par le lecteur, que ce soit du fait de leur taille (Michael), de particularités physiques (Rya et ses ailes), ou de détails plus discrets pour les civils normaux. La direction d'acteurs est adaptée à chaque type de séquence, naturaliste pour les moments calmes ou de dialogue, vive et énergique pour les scènes d'action. le lecteur se projette facilement dans chaque endroit grâce à des décors fournis dont le dessinateur module le degré de détails selon les besoins. À la rigueur, le lecteur peut s'interroger sur la géométrie du train qui rend les wagons peut-être un peu trop spacieux. Par contre, il constate que la configuration et la décoration des grottes du Roi Dieu Lore sont différentes de celles du sanctuaire écossais, chacune avec leurs spécificités. En outre, Adriano Lucas effectue un travail toujours impressionnant dans sa complémentarité avec les dessins. Il sait faire en sorte de ne pas écraser les traits encrés par des couleurs trop vives, mais aussi d'apporter des informations sur l'ambiance lumineuse, sur les textures, sur les variations de relief de chaque surface, et améliorer leur unité pour mieux les faire ressortir les unes par rapport aux autres.

Alors que la narration dans le tome précédent pouvait donner une impression de construction mécanique, dans celui-ci le plaisir de lecture reprend le dessus, même si Joshua Williamson utilise le même principe : raconter par alternance ce qui est arrivé à Michael / ce qui arrive au temps présent. Dans le premier tome, le scénariste avait rapidement révélé que Michael Rhodes n'avait pas réussi à être à la hauteur. Non seulement il n'avait pas accompli la prophétie qui le proclamait comme sauveur, mais en plus le méchant despote avait réussi à le recruter dans ses rangs. Les tomes suivants avaient établi la réalité de cette situation, et fait comprendre qu'elle est la mission de Michael sur Terre, au nom de Lore. Malgré tout, le lecteur était loin de connaître la totalité de ce qui est arrivé à Michael pendant sa disparition et il est avide de découvrir ce qu'il en est. Ce tome répond à ses attentes en levant le voile sur la manière dont Lore l'a convaincu de se joindre à lui. Williamson est toujours aussi malin pour montrer de manière élégante qu'il y a plusieurs facettes au retournement de Michael et que la situation est plus compliquée qu'un simple affrontement entre le bien et le mal, ou peut-être pas. le lecteur se rend compte qu'il déguste chaque révélation en en cherchant les différentes saveurs, pour savoir s'il doit les prendre au premier degré, ou s'il subsiste des degrés de liberté dans l'interprétation qu'il est possible d'en faire. Il ne s'agit pas d'un jeu intellectuel vain, car ces situations entraînent une implication émotionnelle prenante.

Au temps présent, le lecteur se doute bien qu'un groupe de héros va se dresser contre la menace que représente le Roi Dieu Lore. Il sait aussi qu'il ne peut pas faire confiance en Samael Rhodes dont les motivations sont très simples : sauver sa peau, sauver les membres de sa famille. Mais en fonction des situations ces motivations peuvent s'avérer bénéfiques pour les membres du groupe, au contraire apparaître comme bénéficiant au plan de conquête du Roi Dieu Lore. En échappant à l'alternance systématique et artificielle entre plutôt bénéfique, plutôt préjudiciable, le scénariste crée des situations complexes dans lesquelles les 2 possibilités sont entremêlées, laissant le lecteur troublé par une intrigue qui réussit à s'extraire d'une dichotomie simpliste. de la même manière, Williamson joue avec les clichés de la Fantasy. Il maitrise les conventions du genre : héros costaud armé d'une épée, créatures fantastiques aux capacités magiques, méchant cruel et sadique pour le plaisir, endroits fantastiques inaccessibles, prouesses physiques. Il sait également qu'il y a autant d'auteurs qui les employées au pied de la lettre, que d'autres qui en ont pris le contrepied. À nouveau, il joue sur cette dichotomie, en y trouvant des variations originales. du coup, son récit dégage le parfum des conventions attendues par l'amateur du genre, mais aussi celui de leur retournement comme un clin d'oeil aux habitués du genre, et encore des variations montrant des plages d'innovation possible, de créativité. S'il le souhaite, le lecteur peut également envisager le récit sous l'angle du thème donné par le titre (la paternité), mais ce n'est pas forcément là où se trouve la plus grande originalité.

Pour ce sixième tome, les auteurs retrouvent le point d'équilibre parfait, entre visuels grandiloquents et narration inventive, passé et présent entremêlés, sans tomber dans une alternance mécanique, combat entre les bons et méchants tout en brouillant la frontière au point de faire douter le lecteur le plus chevronné, enjeux à l'échelle de la planète et enjeux personnels. Impossible de résister à l'appel de cette grande aventure spectaculaire, utilisant les conventions du genre pour mieux les détourner. Il est très probable que le lecteur ne se remettra pas de sitôt de la révélation contenue dans la dernière page.
Commenter  J’apprécie          30



Ont apprécié cette critique (3)voir plus




{* *}