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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Nailbiter, tome 3 (épisodes 11 à 15) qu'il faut avoir lu avant. Il faut avoir commencé par le premier tome. Il contient les épisodes 16 à 20, initialement parus en 2015/2016, écrits par Joshua Williamson, dessinés et encrés par Mike Henderson, avec une mise en couleurs d'Adam Guzowski.

C'est la nuit d'Halloween. Comme de coutume, un groupe de 3 enfants se rend à la maison d'Edward Warren (le tueur en série présumé appelé Nailbiter) pour lui demander des bonbons. Cette année, ils doivent passer par les bois, pour éviter les adultes dans les rues de la ville qui les empêcheraient de mettre le projet à exécution. Shannon Crane est au chevet d'Alice à l'hôpital. Nicholas Finch vient faire ses adieux à Crane car le FBI a exigé qu'il quitte la ville. Il a décidé d'aller séjourner à Atlanta dans l'état de Géorgie.

À Atlanta dans l'état de Géorgie, un nouveau tueur en série sévit, traçant un pentagramme sur le torse de ses victimes, et les affublant d'un masque avec des cornes de bouc. À Buckarro dans l'Oregon, les enfants finissent par atteindre la maison d'Edward Warren qui se trouve chez lui et les attend. Toujours à Buckaroo, Shannon Crane enquête de manière officieuse sur le docteur Glory (le médecin de l'hôpital). À Atlanta, la police (sous les ordres de l'officier Vaughn) a eu tôt fait d'arrêter un suspect prénommé Daniel. L'agent Abigail Barker souffre d'horribles maux de tête et elle est retirée de Buckaroo pour être affectée sur les meurtres d'Atlanta.

Avec le troisième tome, le lecteur avait constaté que Joshua Williamson avait une petite tendance à utiliser des automatismes pour faire avancer son intrigue et pour entretenir le suspense. Il retrouve les mêmes mécanismes dans ce tome. Les enfants rendent visite à Edward Warren et le lecteur oscille entre le principe d'une visite bénigne ou des victimes en puissance. C'est maintenant une astuce narrative récurrente dans la série que l'éventualité d'un acte atroce comics par Warren. de la même manière, le scénariste joue avec les colères froides de Nicholas Finch (saura-t-il se retenir ou non ?). Il fait de même avec les envies meurtrières d'Abigail Barker : a-t-elle cédé à ses pulsions irraisonnées ou non ? Williamson recourt à cette alternative régulièrement pendant ces 5 épisodes. Ce n'est pas systématique à chaque fois pour relancer l'intrigue ou augmenter le suspense, et il l'utilisait dans les épisodes précédents. En fonction de sa sensibilité, le lecteur peut interpréter ces tics narratifs comme un clin d'oeil à un dispositif éprouvé définissant l'identité de la série, ou comme un artifice pour scénariste manquant d'inspiration.

Dans ce tome, Joshua Williamson reste donc dans les lignes directrices établies dès le premier tome, en en explorant différentes variations. Il est toujours aussi habile à jouer avec les clichés des films d'horreur. Pour l'épisode 16, il sait mettre en place la raison pour laquelle ces 3 enfants vont braver Edward Warren chez lui, comment ils s'y prennent pour déjouer la vigilance des adultes. Mike Henderson a conçu une couverture recto verso amusante dans laquelle le lecteur se tient derrière les enfants et voient ce qu'ils tiennent dans leur dos, et au verso il voit la même scène de l'autre côté, dans le dos de Warren, découvrant ainsi ce que lui tient dans ses mains. L'artiste utilise lui aussi les clichés visuels : la petite taille des enfants contre la hauteur des arbres ou celle de l'adulte, le noir dans maison de Warren qui a tout éteint, les déguisements fait maison, l'obscurité envahissante. Il n'y a pas de visuel saisissant ou de renouvellement dans l'interprétation de ces clichés visuels, mais il y a une narration impeccable, sobre et efficace.

Le lecteur a bien assimilé également que Mike Henderson exagère des représentations pour les rendre angoissantes, alors même qu'il n'y a ni danger, ni comportement aberrant. Il s'amuse bien à représenter Edward Warren le regard fou, un rictus aux lèvres, avec une paire de ciseau dans la main, se pencher comme un maniaque vers un enfant à terre. Il y a là une forme de connivence avec le lecteur qui n'est pas dupe sur la réalité de ce qui est décrit : Warren venant en fait en aide à l'enfant. Mais Henderson met le même entrain à décrire les actions véritablement horribles. Or le scénario distille quelques scènes bien gore que l'artiste arrive à rendre surprenante et répugnante. Alors même que le lecteur sait qu'il s'agit d'une hallucination, il marque un instant d'arrêt devant ce globe oculaire perforé par une lame de ciseau. L'image n'est pas d'un réalisme photographique mais la force du coup et l'oeil sortant de l'orbite l'emporte sur l'éventuel effet humoristique pour rappeler au lecteur que chaque personnage est susceptible de mourir la page d'après. Les auteurs réussissent leur effet choc.

La composante horrifique n'a donc rien perdu de son efficacité. Cette lecture reste à réserver au lecteur qui apprécie ce genre. L'artiste s'y entend pour dépeindre les actes violents ou sadiques avec conviction, que ce soit par leur soudaineté, l'intensité émotionnelle que dégage leur visage (ils sont à 100% dans l'instant présent), ou encore par le regard de surprise et d'horreur des victimes. Henderson s'avère tout aussi compétent pour donner une apparence et un visage spécifique à chaque personnage. le lecteur retrouve en particulier le petit nez très haut placé au-dessus de la lèvre supérieure de Warren, le visage marqué de Finch, ou encore le visage plus rond et souriant d'Elliot Carroll. Il découvre le visage moustachu de l'officier Vaughn plus âgé, à nouveau avec un équilibre remarquable entre le cliché du cinquantenaire renfrogné et rentre-dedans, et une personnalité plus originale. Il n'y a que le visage de l'agent Abigail Barker qui est un peu surprenant, car elle semble avoir rajeuni d'une dizaine d'années.

De temps à autre, le lecteur se dit qu'une case ou deux, parfois une page est peu dense en décor. Mike Henderson peut se contenter de vaguement rappeler le lieu par 2 ou 3 traits rapidement tracés. Certains murs dans les bureaux ne présentent aucune particularité, pas d'affichettes, pas de texture de la cloison, pas de plinthes, de tuyaux, ou de marque d'usure donnant une impression de carton-pâte. Lors de ces scènes, la lecture se fait plus rapide, raccourcissant le passage du temps relatif de la séquence. D'une manière générale, la narration visuelle est très fluide, avec un dosage de la densité d'informations visuelles atteignant l'efficience. À d'autres moments, l'artiste accorde plus de traits aux décors pour leur donner plus de consistance, pour les présenter en début de scène, ou parce que le personnage interagit plus avec les accessoires ou le mobilier.

La compétence de metteur en scène de Mike Henderson est tout aussi habile que celle de chef décorateur. Il conçoit des plans de prise de vue qui évite les plans fixes et rapprochés sur les individus en train de parler. Il utilise des cadrages qui assure une dramatisation maximale quand le récit le requiert. le lecteur n'est pas prêt d'oublier la vue de la grand rue de Buckaroo sous une lumière orangée vue à hauteur de bambin, Daniel matraqué par 3 policiers, ou le pauvre Frank enfermé dans une cage en bois sur le toit d'une caravane, avec les flammes montant de plus en plus haut (à nouveau une belle complémentarité entre les dessins et la mise en couleurs). Il se souvient également d'Edward Warren, une épée enflammée à la main, perché sur un rocher, essayant de repousser des hordes de démon. À nouveau, Henderson s'empare d'un cliché visuel, et le met au service de la narration. le lecteur reste le sourire aux lèvres plusieurs pages durant en repensant à la surprise occasionnée par ce cliché visuel extrait d'un genre (sword & sorcery) sans rapport avec celui du récit, mais parfaitement logique avec l'intrigue.

Le lecteur retrouve avec plaisir cette série à la fois horrible, à la fois mystérieuse, au cours de laquelle les auteurs lui adressent des clins d'oeil discrets et savoureux. Il se lasse un peu d'assister à une nouvelle séance de torture, de découvrir une nouvelle pièce souterraine secrète (après les galeries coursant sous le cimetière, sans oublier la pyramide aztèque), d'observer une nouvelle conséquence d'être né à Buckarro, ou encore de voir que le docteur Glory a lui aussi un passé chargé (comme tous les habitants de Buckaroo). D'un autre côté, il apprécie que Joshua Williamson fasse prendre un peu l'air à ses personnages en les envoyant se promener à Atlanta. Il constate également que le scénariste se repose un peu trop sur les événements chocs, et sur des suspenses binaires déjà utilisés dans les tomes précédents. Il a beaucoup de mal à comprendre pourquoi le révérend Fairgold estourbit Shannon Crane, pour ensuite entamer la conversation dès qu'elle regagne ses esprits.

Il est indéniable que ce quatrième tome se lit avec plaisir et constitue un divertissement efficace. Néanmoins le lecteur sent que le scénariste tire un peu à la ligne pour faire durer son intrigue. L'enjeu n'est pas de savoir ce qui se passe réellement à Buckaroo, ou ce qu'il en est de ces générations de tueurs en série, mais de constituer une succession de scènes de genre, par ailleurs scènes très réussies. En fonction de ses attentes, le lecteur appréciera différemment l'intention de l'auteur. 5 étoile si le lecteur souhaite une intrigue à rebonds utilisant avec malice les conventions du genre horreur. 4 étoiles s'il attend un peu plus d'épaisseur des personnages, et une horreur plus révélatrice des malaises de la société ou de l'être humain.
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