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Critique de Presence


Ce tome fait suite à Cubs in Toyland (épisodes 114 à 123). Il comprend 2 parties distinctes. La première est consacrée à Bufkin, et est composée de courts chapitres de 3 pages parus dans les numéros 114 à 123 (parus en 2012/2013), ainsi que l'épisode complet 124. La deuxième donne son nom au recueil "Snow White" et correspond aux numéros 125 à 129, parus en 2013.

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- A revolution in Oz (50 pages, dessins, encrage et couleurs de Shawn McManus) - Il s'agit de la suite des aventures de Bufkin et Lily Martagnion dans le pays d'Oz. Dans Inherit the wind, Bufkin avait été capturé par l'armée du roi Nome et il devait être pendu. Ses compagnons essayent de s'organiser pour concevoir une évasion. Mais sans leur chef Bufkin, ils sont incapables de faire aboutir leurs idées.

Depuis 2 tomes, Bill Willingham avait fait prendre la tangente à son récit, s'écartant de la reconstruction de Fabletown, privilégiant d'autres intrigues. Si dès le début de la série, il avait bien montré au lecteur qu'il mène sa barque comme il l'entend, son choix de délaisser le sort de la communauté au profit de la famille de Bigby était inattendu. Avec la première partie de ce tome, le lecteur éprouve au moins la satisfaction de découvrir la fin d'une autre intrigue secondaire laissée en jachère : le sort de Bufkin. Willingham a concocté un conte dont il a le secret, avec des individus aux motivations crédibles, une dictature ridicule en apparence, mais aux effets réellement néfastes. Les héros de l'histoire sont pour l'essentiel des personnages un peu simples, souhaitant bien faire, mais ne sachant pas comment s'y prendre. Bufkin et Lily Martagnion sortent du lot, avec une volonté et une capacité de réflexion plus élaborée. le ton du récit est très décontracté, pas d'angoisse, pas de mélodrame, le lecteur sait que tout finira bien. Comme à son habitude, Willingham mélange des éléments de conte, un peu de magie (bienvenue pour résoudre quelques conflits de manière arbitraire, mais toujours inventive), beaucoup d'humour gentil (pas de sarcasmes, pas de ridicule méchant), et des personnages souriants pleins d'entrain.

Si le lecteur adulte peut trouver l'histoire un peu gentillette, il se laisse rapidement prendre au jeu du fait d'éléments plus sophistiqués. Bien sûr, l'accroche constituée par la relation "interraciale" entre Bufkin (un singe ailé, ayant perdu ses ailes) et Lily Martagnion (une lilliputienne issue du peuple des grains de maïs) dégage un parfum subtilement salace, mais aussi plein d'espoir sur la possibilité d'aimer malgré les différences. Il y a aussi la volonté des compagnons de Bufkin (Jack Pumpkinhead, Bungle le chat de verre, Sawhorse, Yoop) d'apporter leur contribution à la société (aux efforts du groupe) malgré leurs capacités limitées. En y regardant de plus près, Willingham inclut également quelques horreurs bien senties telles que des géants de pierre cloués au sol, ou des pions (d'échec) se déplaçant grâce à leur partie inférieure en forme de boule de billard dont cette sphère est arrachée par un géant. Impossible également de résister à l'humour inventif de Willingham, que ce soit ledit géant qui collectionne les boules (en estimant que celle avec un petit chiffre sont plus précieuses), ou l'arme imparable qui provoque la chute du tyran (une sucette).

Ces pages sont illustrées par Shawn McManus. Sa mise en couleurs utilise une palette originale, avec des teintes orange (mandarine, safran ou citrouille, mordoré), très chaudes, figurant un pays ensoleillé où il fait bon vivre, avec des dégradés délicats, sans être systématiques. Ce choix esthétique renforce la sensation de conte pour enfant, et la bonhommie générale du récit. Les personnages sont hauts en couleur, et originaux, avec un petit grain de fantaisie. La force de McManus est de réussir à faire exister tous ces éléments disparates dans une unité visuelle. La sucette déstabilisatrice présente toutes les caractéristiques d'une sucette sublimée, avec une belle rondeur, et des couleurs appétissantes. Lily Martagnion est très mignonne en jeune femme d'une vingtaine de centimètres (comme une jolie poupée, mais sans ressembler à Barbie), tout en affichant une grande volonté. Il est ainsi possible d'examiner chaque personnage et de voir avec quelle habilité McManus les fait exister. Il n'y a que les expressions des visages qui manquent un peu de nuances, avec une forte proportion de personnages avec la bouche grande ouverte.

Venu pour une intrigue secondaire dispensable, le lecteur découvre le devenir d'un personnage secondaire perdu de vue depuis plusieurs épisodes. À condition d'accepter de lire ce récit, il plonge dans un conte bien troussé, placé sous le signe de la bonne humeur avec une belle inventivité, et des dessins en parfaite harmonie, étoffant le récit en lui donnant plus d'ampleur. 5 étoiles.

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- Snow White (dessins de Mark Buckingham, encrage de Steve Leialoha et Andrew Pepoy) - Afin de retrouver Darien et Thérèse (2 de ses enfants), Bigby part en voyage dans les royaumes, en compagnie de Stinky (Brock Blueheart). Pour pouvoir passer d'un royaume à l'autre, ils se déplacent à bord de d'une voiture très spéciale (Haedon, voir Fairest in all the land). L'objectif est que Bigby puisse repérer la trace olfactive de Thérèse ou Darien. Dans le royaume de Flycatcher, Beast s'apprête à recevoir la Fée Bleue qui veut la mort de l'Adversaire, pour réparations contre crimes de guerre. À Fabletown, Leigh Duglas continue d'intriguer sournoisement. Alors que Bigby est parti, Prince Brandish (Werian Holt) fait son apparition et se rappelle au bon souvenir de Snow White comme étant son premier mari.

Enfin ! Bill Willingham revient à son intrigue principale, dans Fabletown nouvelle version. le lecteur revoit le maire King Cole (et apprend même son prénom). Il retrouve les personnages principaux, à commencer par Bigby et Snow White, en passant par Briar Rose (la belle au bois dormant), Ozma. Il retrouve des personnages plus secondaires, ou laissés de côté tels que Reynard T. Fox (toujours aussi suave et distingué), Flycatcher, Grimby, ou Stinky. Mais bien vite, la reconstruction de la communauté à New York est laissée de côté, au profit de la situation de Snow White face à cet ancien mari très encombrant, très exigeant (Bigby et les 7 enfants doivent être exterminés), et très dangereux. Il s'en suit un affrontement plein de suspense, avec hauts faits d'arme et sorts magiques. Décidemment très en verve, Willingham manie avec la même dextérité la tension née de l'affrontement, l'attente liée à la mission de Bigby, un humour intelligent (né de la personnalité des protagonistes, par exemple Bigby en train d'apprendre à conduire cette étrange voiture), des relations empreintes d'une saine chaleur humaine réconfortante entre individus, et des références aux contes traditionnels. À nouveau, le récit prend une orientation inattendue et pleinement satisfaisante, et Willingham invite des personnages doté d'une aura mythique (la Dame du Lac en particulier).

Willingham narre un drame très humain, aux proportions mythologiques, avec des intrigues secondaires très savoureuses (les incroyables négociations entre la Bête et l'envoyé plénipotentiaire de la Fée Bleue). le lecteur retrouve le style caractéristique de Mark Buckingham, toujours aussi agréable. En surface, il est toujours possible de déceler l'influence de Jack Kirby, en particulier dans la manière d'utiliser de délimiter les contours par des traits pouvant devenir très épais, figurant ainsi des ombres portées plus conceptuelles que réalistes. Malgré la présence de 2 encreurs (Leialoha et Pepoy) dans les mêmes épisodes, il n'y a pas de solution de continuité d'une page à l'autre. Il est tentant de se dire "encore du Buckingham", comme si sa présence était un dû, sans finalement grande importance.

En regardant un peu plus attentivement les pages, le lecteur se rend compte de l'apport de Buckingham dans la narration, au-delà du simple plaisir de retrouver le dessinateur attitré de la série. Cela commence avec la mise en scène des discussions. Finalement les personnages ont beaucoup de choses à se dire, comme dans des relations normales entre êtres humains. Pourtant le lecteur n'a jamais l'impression de regarder une suite de têtes en train de parler. Buckingham utilise le subterfuge de changer régulièrement l'angle de prise de vue, mais il met également en évidence le langage corporel et les mouvements de chaque intervenant, ajoutant ainsi des informations complémentaires aux dialogues.

Dans la mesure où c'est Buckingham qui a conçu l'apparence de ces personnages, le lecteur attend qu'ils soient dessinés par son créateur pour qu'ils soient authentiques. Mais au-delà de cette familiarité ou "authenticité" visuelle, Buckingham donne une apparence spécifique à chaque personnage, amalgamant avec aisance leur composante humaine et un élément de fantaisie (la grâce de Prince Brandish dans ses évolutions). Snow White est magnifique de bout en bout, malgré l'affliction dont elle souffre (très bien rendue grâce à la complémentarité entre les dessins et les couleurs choisies par Lee Loughridge), sans une once de vulgarité, avec une mise en avant de sa force de caractère, de son courage.

Buckingham n'a également rien perdu de sa capacité à dessiner des lieux enchanteurs. À ce titre, la pleine page consacrée à une vue aérienne du palais de la Fée Bleue (épisode 126) transporte le lecteur dans un décor enchanteur, débarrassé de tout stéréotype, un vrai plaisir pour les grands enfants. le passage de la voiture sous l'eau est tout aussi exotique, avec à nouveau une complémentarité exemplaire entre dessins et mise en couleurs élaborée.

Enfin Buckingham apporte un grand soin au découpage de chaque scène adaptant sa mise en page en fonction de la nature de la séquence. Il y a cette étonnante scène de séduction entre Leigh Duglas et King Cole, toute en nuance, une très belle direction d'acteurs. Il y a l'arrivée tonitruante de Bigby qui mérite pleinement son dessin pleine page. Il y a un duel magnifique à l'épée, fluide et tranchant.

Avec ce tome, Bill Willignham propose 2 histoires s'inscrivant dans 2 registres un peu différents. La première s'apparente à un conte pour enfants, avec hauts faits et prouesses magiques, dans lequel le lecteur adulte pourra trouver son content grâce à des personnages pas si lisses que ça, et des thèmes sous-jacents intelligents, le tout rehaussé par des dessins à la fois bon enfant et plein d'entrain. La deuxième histoire permet de revenir au coeur de la série, aux côtés des personnages principaux, pour un nouveau drame inattendu, une intrigue pleine de rebondissements, et des personnages toujours aussi attachants, avec des dessins à la fois habituels, mais aussi plus sophistiqués qu'il n'y paraît de prime abord.
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