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Critique de DEMIDA


« Tignasse étoile » est là. Fin de lecture.
Et la couverture apparaît autrement qu'au début :
Et si Evelyne Wilwerth, la romancière, avait spécialement demandé à Léon Spilliaert de peindre pour elle « Les Pieux » ?
Anachronisme ? Qui sait ?

Evelyne Wilwerth nous offre un roman vif, profond, sombre parfois, mais un roman plein d'humour et de vie, aux côtés de son héroïne, Jacinthe, tignasse en bataille.
Avec minutie et une espèce de ponctualité («30 mai, 5 septembre, 7 heures pile ; 9H1 ;… »), la romancière nous emmène à allure folle vers l'éclosion d'une artiste.
D'une enfant pis d'une jeune femme en quête de ses origines.

Aux côtés de Jacinthe, les carnets intimes se suivent sans se ressembler au final. « Turquoise » devient « Emeraude » puis « Indigo ».
Mais ils avancent avec elle. Patiemment.
Leur point commun est d'être les confidents d'une enfant qui devient peu à peu ado puis femme.
Avec toujours ce mystère profond qu'elle devine en elle et qui hante ses nuits de choucas noirs. de démons sombres.
Pourquoi « Ottawa » ? Pourquoi ce sentiment intime qu'elle n'est pas la fille de sa maman, « mèman » ou « meman » ?
Pourquoi Jacinthe devine-t-elle qu'un secret pèse sur sa famille ?

« Tignasse Etoile » est un roman fort. Un roman olfactif, tactile, auditif et visuel tout à la fois, par les allusions de son auteure à de nombreux artistes : des peintres, des sculpteurs, des cinéastes, des danseurs…
Par les descriptions artistiques et fines des lieux, des couleurs, des senteurs.

La romancière nous emmène sur le chemin de la vie de Jacinthe, de ses 7 ans jusqu'à ses 25 ans.
Au fil des pages et des jours, la jeune héroïne se tâte, se perd, se trouve, se reperd et se trouve enfin…
Jacinthe. Tignasse étoile.

Jacinthe est née dans un milieu assez bourgeois.
Un père, Fabrice, proche de sa fille, touchant, intelligent mais dont les yeux sont si souvent tristes.
Une mère, Clarisse, Meman ou Mèman, prise dans la spirale infernale de la vie et de ses secrets, qui se réfugie dans le travail et le paraître.
Une mère qui a cette odeur de non-dit.
Une odeur que Jacinthe se met à détester, intuitivement sans doute.
Une mère qui peu à peu s'ankylose, se flétrit, se détruit à défaut d'oser aimer et d'oser dire.

Un ami, Jotrand, issu d'un milieu humble. Mais un ami fidèle, proche, à l'écoute.
Un ami dont la maman a les bras chaleureux et tendres, veloutés. de ces bras qui manquent tant à Jacinthe quand ses démons se réveillent, chaque nuit.
De ces bras qui lui offrent un instant la fusion parfaite, rêvée.

Des fêtes d'anniversaire excessives, trop chics, trop mondaines et pas assez intimes ou pas assez vraies.
Des voyages exotiques en famille (ou plutôt à trois personnes ensemble mais jamais à l'unisson malgré de vains efforts !)
Pascal, un oncle homosexuel qui perçoit vite les talents de Jacinthe pour le dessin, la peinture, l'art.
Quelques enseignants, aussi, dont cette prof à laquelle Jacinthe ose se dire.
Ose enfin parler de ses origines ou en tout cas de ce qu'elle en a découvert.
De ce profond mal-être que vivent certains enfants nés par gestation pour autrui.
Puis Opaline la belle qui accompagnera Jacinthe sur le chemin du devenir sensuel.
Et enfin Maximilien le chat, témoin privilégié du bonheur et de l'apaisement.

Avec ce merveilleux roman, Evelyne Wilwerth nous emmène dans des mondes à la fois parallèles et différents. le lecteur voit les couleurs changeantes et belles de la Méditerranée (« la vamp »), les paysages enchanteurs de ses villes et villages qui collaboreront à l'éclosion de Jacinthe mais il ressent aussi, intensément, la détresse des migrants, des démunis, des paumés.
Et ces paradoxes apportent une extraordinaire profondeur au roman.
Ils invitent aussi le lecteur à se poser des questions sur la Vie, son sens, ses excès et ses souffrances.
Avec talent, dans un rythme sans cesse enivrant, Evelyne Wilwerth nous conduit à la grande beauté des dernières pages de son livre et à la vraie naissance de son héroïne, épanouie enfin. Libérée. Artiste.

Oui. Un roman fort, puissant et beau. Profondément beau.

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