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Critique de Franz


La collection Mimolette aux éditions de L'Association contient quelques bandes dessinées en noir et blanc uniques et terriblement attachantes quand on les a découvertes à l'exemple de celles de Mattt Konture ou de Winshluss. Pat Boon est une merveille qu'on lit d'une seule traite car elle ne contient que trente-deux pages et dans laquelle on revient puiser sans soif, histoire de s'amuser encore une fois et de s'attarder sur les multiples détails graphiques qui émaillent un récit à l'humour noir corrosif. Pat Boon, avec sa face de pleine lune coiffée d'un minuscule chapeau rond aimerait satisfaire sa libido en la nimbant de sentiment mais si sa voisine semble répondre à ses critères refoulés, Peggy, la bimbo à groin, voisine de palier, n'a que faire d'un nabot qu'elle ne voit même pas mais qu'elle renifle dans l'ascenseur avant de s'enfuir à toutes jambes, horrifiée. Pat insiste dans l'espoir vain de s'approcher de Peggy. Son ami glandeur, Fat Slim, l'entraîne dans un bouge et lui laisse l'addition car « les amis c'est fait pour ça ». Fat Slim va ensuite projeter à Pat Boon un film porno dans lequel Peggy subit les assauts d'un bluesman reconverti en étalon. de dépit en désespoir, Pat atterrira en prison et découvrira derrière les barreaux la tendresse avec une brute épaisse vêtue d'un maillot de corps sur lequel on lit « végétaline ». Tout un programme !
Une nouvelle fois il est impossible de résumer une oeuvre de Winshluss tant elle fourmille de gags, de clins d'oeil, de références. La fluidité narrative est exemplaire car les chapitres et les strips s'enchâssent intelligemment et les scénettes se touchent et se décroisent pour former en bout de course une histoire cohérente sur la longueur. La Grande Dépression américaine sert de toile de fond et les encagoulés du Klan, racistes en diable, de ridicules et dangereux qu'ils sont, finissent par devenir presque émouvants.
L'idéaliste Pat Boon revient faire un tour de piste quinze ans après une première édition de ses mésaventures à L'Association en 2001. La couverture et la quatrième de couverture qui lui répond ne sont plus les mêmes. Bien que le support se soit rigidifié, le lecteur y perd tant l'illustration originelle était merveilleuse, dans les deux sens du terme. En revanche, la nouvelle édition apporte huit pages supplémentaires bien fichées dans le propos initial, la bêtise crasse et la haine ciblée comme fil conducteur, véhiculées hier par le KKK, aujourd'hui par le tacatacatac des Kalachnikovs. Winshluss narre un conte effrayant dont les ingrédients épicés sont puisés au musée cathodique des horreurs ou prélevés dans la Toile sans fond des réseaux électroniques. Jour de chance pour le bon Boon, un ticket gratuit pour Bali, « Tous frais payés ! ». Se rêvant roi du pétrole, le petit clown lunaire échoue dans le désert après le crash de son Boeing. S'imaginant la proie des vautours, il est sorti des dunes par un Half-track conduit par des djihadistes. Enrôlé et candidat au martyr malgré lui, Boon s'extrait du bourbier arabe pour s'enliser dans le marécage aseptisé des Américains où il est torturé professionnellement.
Winshluss est lucide quant à la marche du monde. Il reprend, mouline et tord l'actualité afin qu'elle coïncide avec l'accumulation des scénettes et des déboires supportés par le personnage principal. Les clichés, la caricature, l'absurdité, l'invraisemblance se répondent et servent un récit halluciné dans lequel le libre-arbitre est banni. Les trouvailles visuelles sont multiples à l'exemple de l'enseigne du magasin « Bruce Lee » qui finit par brûler. Boon est balloté par l'histoire et n'agit que par des réflexes de survie, n'anticipant jamais, subissant toujours. Ses dérèglements intestinaux le libèrent des cataclysmes ambiants. Les mouches aiment les assassins car avec eux les charniers abondent. L'une d'elles provoquera, par excès des ailes, une tuerie aveugle. L'amour, même amoindri et détourné, fusse-t-il d'une mouche zélée, n'a pas droit de cité dans l'univers barbare qui est le nôtre.
Dans le monde enchanté des cartoons, Winshluss dynamite les codes et insuffle une vision pessimiste de l'humanité mais le tout reste revigorant et franchement drôle. Pat Boon contient déjà tout ce que l'auteur va ensuite déployer dans les oeuvres magistrales que sont Smart Monkey et Pinocchio.
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