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Critique de nadejda


Epigraphe
« Il faut être très attentif et bien écouter, avant d’ouvrir la porte d’une salle de billard. »
(Horace Lindrum, Snooker, billiards and pool)

Karolina Ferreira, entomologiste, arrive à Voorspoed, une petite ville d’Afrique du Sud de l’Etat libre d’Orange en compagnie de Willy qu’elle a pris en auto stop. Elle a connu cette bourgade, 25 ans auparavant, quand elle y venait en vacances avec sa famille et ce n’est pas sans appréhension qu’elle y revient.

Tous les matins elle arpente le veld pour étudier la répartition et les modes de reproduction des papillons de l’espèce « Hebdomophruda crenilinea » en compagnie de Willy qui, lui, récolte des plantes pour M.Isayago, un argentin chez lequel il loge, et qu’il aide à concocter des médicaments. Willy sait aussi deviner ce qui se passe dans le coeur des hommes comme dans la nature et voir ainsi ce qui peut advenir.
Ils rentrent à l’heure du scarabée quand la chaleur s’abat comme une chape de plomb sur la ville, alors désertée de ses habitants.

Le soir Katerina se rend régulièrement au Café du Rendez-vous où elle boit au bar, danse avec frénésie et surtout fait des parties de billard.
Dans la salle de billard se condensent toute les passions, tous les désirs troubles avoués ou cachés, toute la violence des hommes qui se mesurent autour de la table. Katerina est la seule femme qui y joue.
« Les personnalités se révélaient peu à peu. L’air était chargé de désirs indicibles, de peurs et de préjugés profondément enracinés, une hystérie latente remontait peu à peu à la surface. Elle éclaterait tôt ou tard, sous des formes différentes. Un bain de minuit, une chasse à l’homme, une séance de pillage. » p 40

Comme Katerina le lecteur est pris par l’ambiance inquiétante qui nait dès le premier soir dans la salle de billard, où rode une violence dont on ne devine pas toujours la cause et surtout dont on ne sait d’où elle peut surgir.
Katerina est une femme d’une sensualité brûlante, d’une grande sensibilité. Tous ses sens en alerte. Elle a peur de cet environnement qu'elle a du mal à cerner. Elle observe, a envie de savoir. Elle va devoir se risquer à sortir d’elle-même, quitte à se brûler comme ces phalènes qu’elle étudie en entomologiste, pour pouvoir ensuite revivre.

Car de retour à l’hôtel après sa première soirée au café du rendez-vous on peut lire :
« Sa chambre, située au-dessus de l’entrée de l’hôtel, donnait sur la rue principale ; elle était fraîche et plongée dans une semi-obscurité. Karolina se regarda dans la glace. Le miroir lui renvoya une image sombre. Ses épaules avait perdu leur douce rondeur féminine. Sa peau était d’un jaune pâle (bien qu’elle eût le teintt mat). Ses cheveux noirs étaient coupés n’importe comment. Elle avait l’air d’un tableau inachevé. » p 14

et en approchant de la fin après avoir traversé ses peurs
p 185 186(…) Dans la lumière, ses épaules douces, d’une rondeur toute féminine, étaient recouvertes d’une fine pellicule de sueur qui rappelait la poussière sur les ailes des papillons ; sa chevelure brillait de mille feux, ses cheveux jaillissant de leurs follicules, formaient une auréole sombre et vivante autour de sa tête. Comme si elle avait eu un secret. Un secret qui la mettait à part, qui flottait autour d’elle comme une fine bruine. Sa peau était chaude et humide.

Katerina Fereira va se retrouver. La force de ce livre réside dans cette redécouverte d’elle-même lente et pleine d’un mélange de crainte, de violence et de douceur que l’on partage avec elle. Elle se fraye un chemin à travers tout ce qui la traverse et la heurte. Voorspoed et la salle de Snooker lui auront permis de sortir de sa chrysalide, de se débarrasser du poids du passé.
L’écriture est dense, prenante, habitée d'une force incantatoire. Ingrid Winterbach qui est aussi peintre, sait saisir les nuances moirées des méandres du coeur humain comme celles des ailes des papillons.
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