Lecteur, reste avec nous ! - Un grand plaidoyer pour la lecture

Nous devons donc, compte tenu de ce contexte général, œuvrer à protéger et même à encourager un usage riche, varié et non "aplati" du langage humain afin qu'il demeure (ou redevienne) le véhicule idéal d'une pensée neuve et complexe, contribuant à son tour au progrès de notre intelligence collective.

Vous ouvrez un livre, et une voix vous parle. Un monde surgit, plus ou moins étranger ou accueillant, pour enrichir votre stock d'hypothèses sur la façon dont la vie doit être comprise.

Comme l'a dit un de mes étudiants : " Les livres me font ralentir et réfléchir, Internet me fait accélérer. " Chacun des deux médiums aurait sa place, et les enfants apprendraient au passage lequel est le plus approprié à chaque tâche d'apprentissage.

Le beau nous aide à nous concentrer sur l'essentiel. Si notre conscience de la beauté se réduit à voleter sur la surface des mots comme une araignée d'eau, jamais nous ne verrons ce qu'il y a sous cette surface ; jamais la beauté ne nous aidera à découvrir et à comprendre ce qui est enfoui dans les profondeurs.

Avec le temps, l'évolution de notre façon de lire ne pourra rester sans incidence sur le contenu de ce que nous lisons, ni, par conséquent, sur notre façon d'écrire.

Le plus stupéfiant, pour moi, n'est pas tant la sophistication des fonctions du cerveau que sa capacité à aller au-delà de ses fonctions premières, biologiquement enracinées - comme la vision ou le langage - pour en développer d'autres, totalement inédites, comme la lecture ou le calcul.

Je continuais à acheter beaucoup de livres, mais, de plus en plus, je lisais à travers eux au lieu de me laisser entraîner par eux.

Pendant ces sept années qu'il m'avait fallu pour comprendre comment en six mille ans d'histoire, le cerveau avait appris à lire, toute notre culture fondée sur l'écrit avait entamé sa métamorphose en une culture différente, fondée sur le numérique.

Si le langage et la pensée s'appauvrissent, si la complexité se perd et si la confusion gagne du terrain, nous nous trouverons exposés à de graves risques sociopolitiques - qui peuvent prendre le visage de fanatiques religieux, de politiciens extrémistes ou, plus sournoisement, d'annonceurs publicitaires.

C'est grâce à cette capacité de la lecture à agir sur notre conscience que nous apprenons à ressentir ce que signifie être privé d'espoir, ou au contraire fou de joie, ou encore consumé par des sentiments non exprimés.