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Critique de GeorgesSmiley


« Balzac sous amphétamines !» Tom Wolfe poursuit sa propre Comédie Humaine à Miami. Après le golden boy new-yorkais, le promoteur d'Atlanta, voici le petit flic de Miami.
Nestor Camacho est un bon gars, cubain de seconde génération (il faut dire Américain d'origine cubaine), parfaitement intégré, même s'il se sent parfois ostracisé par ses collègues Blancs (à Miami, on dit Americanos) lorsqu'ils le traitent, lui et les siens, de « Canadiens ». Il frime un peu, du haut de son mètre soixante-dix, sous son crâne rasé, derrière ses lunettes de soleil, au-dessus de son cou de taureau, dans son T-shirt une taille trop petit, prêt à exploser sous la pression de « formations massives et lisses, de vrais Gibraltar, trapèzes, deltoïdes, dorsaux, pectoraux, biceps, triceps, obliques, abdos, fessiers, quadriceps d'acier » forgés en « grimpant à la corde de huit mètres sans les jambes ! . le meilleur moyen de faire craquer toutes les jebitas dans la rue. C'était exactement comme ça qu'il avait fait la connaissance de Magdalena! » Ah, Magdalena…
Reprenons ! Nestor est vraiment un bon gars, bon fils, bon petit-fils (il habite encore chez ses parents et grands-parents parce que la paye n'est pas épaisse et parce que la famille, c'est sacré), bon…, enfin, voyez … avec Magdalena (« une nana plus canon, plus vive, plus brillante que… que… qu'une vedette de la télé »), bon flic de la Patrouille Maritime, courageux, ambitieux, obéissant et efficace ! Quand l'occasion se présente, Nestor ne recule pas, Nestor fonce, Nestor réussit, Nestor devient un héros avec sa photo à la une de la presse. Il savoure et va pouvoir retrouver Magdalena « qu'il n'avait pas tenue comme ça depuis presque deux semaines. Quand ce n'était pas ses horaires de travail à lui, c'étaient les siens à elle. Il n'aurait jamais cru que les infirmières en psychiatrie avaient des journées de travail aussi longues » Mais Nestor comprend les choses, décide et agit : « J'y ai pensé toute la journée. Tu sais bien, on dit toujours « Ce n'est pas le bon moment », on dit ça, hein ? Eh bien, Manena, je te le jure, je sais que ça y est ! C'est le bon moment ! Ce moment-ci !... Manena… marions-nous, maintenant, tout de suite ! » … Pendant un instant, Magdalena se contenta de le dévisager… d'un regard vide. Elle finit par murmurer « Ce n'est pas si simple, Nestor. Pas si simple ? » Il lui adressa son sourire le plus doux, le plus amoureux… Elle ne le regardait pas quand elle dit « Nous ne pouvons pas penser qu'à nous. _ Tu veux parler de nos parents ? Ils ne vont pas tomber des nues, tu sais. Ca fait trois ans qu'on est ensemble… » Cette fois, Magdalena le regarda dans les yeux. « Il n'y a pas qu'eux… Je vois quelqu'un d'autre… aussi ».
Aie, aie, aie ! Pauvre Nestor !
Ca ne fait que commencer, les ennuis vont s'enchainer, s'acharner sur le sympathique mais malheureux Nestor. Tom Wolfe le jette en pâture un peu partout dans un Miami qui ne manque pas de chausse-trappes, tandis que Magdalena poursuit son ascension sociale à marche forcée, « assise à ça d'un homme trop chic, trop beau gosse, trop riche, trop célèbre pour avoir pu lui téléphoner et l'inviter à sortir avec lui – et pourtant, il l'avait fait ! Lui, l'oligarque russe qui avait fait don de tableaux à soixante-dix millions de dollars au Musée des beaux-arts de Miami. » le rêve américain, non ?
Dangereux dealers de crack, petits caïds haïtiens, escrocs, faussaires et hommes de main russes, psychiatre fou, milliardaires vulgaires, jusqu'au maire prêt à tout pour « apaiser les communautés », vont rivaliser d'énergie pour causer tous les ennuis qu'ils peuvent à ce petit gars qui essaye juste de bien faire. Paradoxalement, et une fois n'est pas coutume chez Tom Wolfe habituel pourfendeur de la presse manipulatrice, le héros déchu trouvera un peu d'aide auprès d'un Rouletabille débutant, Tintin au visage pâle mais déterminé, lui-même en but aux tentatives d'étouffement de son rédacteur en chef.
Wolfe découpe au scalpel les dérives de la société américaine (ségrégations racistes assumées des différentes communautés entre elles, disparition de la notion de bien commun, appétits féroces pour l'argent, les drogues, le sexe, le pouvoir et les passe-droits), dans un roman épais mais fluide comme le polar qu'il est, très enlevé avec des scènes très cinématographiques et un humour toujours en arrière-plan. On ne s'ennuie jamais avec Tom Wolfe et comme le dit un des personnages clés de l'intrigue : « C'est un plaisir de vous retrouver, Camacho ».
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