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Critique de EvlyneLeraut


Adrénaline fois mille !
L'emprise dans toute sa noirceur.
Psychologique, dans une langue sans distance, « La prise du diable » est l'empreinte même d'une relation toxique entre un homme et une femme. Une lutte quotidienne, sournoise et risquée.
Un roman au scalpel, subtil et d'une lucidité indépassable.
Un page-turner frénétique et envoûtant.
Fascinant, habile, c'est le tissage véritable des dominations.
Une jeune femme scandinave, lunaire, lasse de l'atmosphère glacée et du décorum figé de son bureau, où elle travaille, décide sur un coup de tête de démissionner.
Traductrice de formation, dans un pays nordique où les rais de lumière ne s'infiltrent que trop peu. Elle prend alors un billet aller simple, en direction de Florence la sensuelle, en Italie.
L'opposée, « une ville du deuxième chakra, celui du bas-ventre. »
Elle ressent l'apaisement d'une destination dont elle pense maîtriser les codes. Assoiffée de désir et d'aventure. Sauf que.
Elle va rencontrer un homme quelque peu négligé. Sale, les cheveux longs, indésirable, une proie parfaite. Elle va subrepticement bâtir un plan. Se glisser chez lui, lui refaire une garde-robe et surtout passer son temps à ne rien faire, ne plus travailler, vivre sur ses réserves financières. Elle ressent l'exigence de son insertion. Prouver sa nouvelle présence au monde. Soumettre le Propre-sur-Lui, à ses volontés secrètes. Névrosée, elle est le balancier entre la chaleur et le froid d'avant. Tomber amoureuse de cet homme. Elle tire l'as de pique, prise à son propre piège. Elle ne le sait pas, pas encore. le Propre-sur-Lui va inverser les rôles insidieusement. « la prise se resserre encore un peu, il a la main un peu plus dure sur elle, mais reste à peu près correct : - Ne me dis pas ce que je dois faire ou non. Tu n'as aucun pouvoir sur moi. Tout ce que tu as besoin de savoir, c'est que tu dois t'en remettre à moi. »
Les fondations tremblent. Les draps sont trempés de méprise et de doute. Surnommée Minnie, elle devient, « une pouffiasse patentée, une pure dingue délirante du Nord. Minnie qui espère que Mickey la croit mourante, qui veut que Mickey s'occupe d'elle. »
D'une fureur destructrice, le mental de le Propre-sur-Lui devient et vite la prise du diable.
Le récit est une porte qui grince. La démonstration minutieuse des carcans d'oppressions. Elle se soumet : elle l'aime. Dans cette autorité virile, la domination prégnante et l'influence sur elle, qui ne quête que le désir, l'attrait et le regard, elle devient un feu orange clignotant, le langage du corps qui se retourne à contre-sens. le huis-clos est une cage qui vrille. le summum d'une violence sourde. le Propre-sur-Lui, est puissant, misogyne, une bombe à retardement. On ressent un étau qui enserre cette jeune femme. Faible, soumise, elle ne veut encore que le bonheur de ce monstre glaçant, machiavélique. Un bourreau pervers et sadique.
« Que fera-t-elle alors, quand il ne voudra plus d'elle ? Elle se dit qu'elle pourra toujours se suicider. À cette idée, un grand soulagement l'envahit. »
Vulnérable, une porcelaine brisée, les gestes étouffés, bâillonnée, Minnie perd ses plumes. Son esprit s'égare, elle perd pied, elle se noie. Elle devient mutique, apeurée. le paroxysme de l'influence est l'amour qu'elle ressent encore pour le Propre-sur-Lui. Nous sommes en plongée dans un drame acide, implacable, vertigineusement vrai. Un grand tourbillon, le trou noir, d'angoisse, de peur et de colère. L'estime de soi est un parfum qui s'évapore. Florence, ville mythique, perd son aura. L'odeur de la mort règne. le néant et l'hostilité aux abois. La chute de Minnie dans l'ultime tragédie. Les coups comme des éclairs. La griffe du diable qui défigure le symbole des passions faussées. le Propre-sur-Lui est un pervers narcissique. Comment Minnie pourra-t-elle s'évader de cet enfer ? La trame est un tsunami. Superbement dressée, elle démonte les mécanismes implacables. On ne quitte pas des yeux le Propre-sur-Lui. Sardonique, paranoïaque, l'emblème même du non retour pour Minnie. Lina Wolff est surdouée. Elle pousse ses protagonistes dans les extrêmes entendements. L'exploration minutieuse des comportements dominateurs. le macrocosme d'une folie dont l'arborescence fait froid dans le dos. « La prise du diable » dans son idiosyncrasie la plus réelle. Ce livre qui excelle de contemporanéité, clairvoyant, intuitif, efficace. Il est l'injonction de la prudence. « Apprendre à toujours se méfier », à l'instar de Prosper Mérimée. Caustique, acide, implacable, stupéfiant, il devient un outil précieux, sociétal sur les embrigadements, et ce qui peut, et très vite, mettre en danger une femme ou un homme. Crissant, superbe de maîtrise, ce livre est le piédestal d'une littérature engagée. Un livre qui ne laisse pas indemne et c'est tant mieux. Traduit à merveille du suédois par Anna Gibson. Publié par les majeures Éditions Les Argonautes éditeur.


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