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Critique de Cricri124


Il s'agit bien moins d'un roman historique sur l'esclavage et la guerre de sécession que d'une analogie avec la ségrégation raciale et les contradictions passionnées et tumultueuses de l'Amérique d'aujourd'hui.

Liberty, est le fils d'un père yankee et abolitionniste et d'une mère de planteurs sudistes de Caroline du Nord, qui a fui sa famille et leurs idéaux esclavagistes. le début du livre relate son enfance et son apprentissage du monde, bercés par les convictions de ses parents. La guerre de sécession s'inscrit comme une ligne de fracture dans le récit et l'apprentissage de Liberty. Il y découvre l'affrontement de 2 conceptions de la liberté individuelle. « L'esclavage salarié contre l'esclavage forcé ». La violence et l'absurdité de cette guerre qu'il ne comprend pas, le conduisent à déserter et partir à la rencontre de sa famille maternelle sudiste. « Tout ce qu'il savait, avec une certitude de granit, c'est que ce projet insensé, qui mettait sa propre vie en danger, lui paraissait une nécessité divine, car après tout quel choix avait-il ? Sinon suivre la piste des larmes de sa mère. ». Une piste qui le conduira encore plus loin dans la folie humaine.

Ce récit aussi étonnant qu'admirable, est servi par une très belle écriture rythmée et imagée, émaillée de descriptions éblouissantes de réalisme et de dialogues percutants. J'ai beaucoup aimé ce style d'écriture qui se déploie comme un tapis de pétales de roses parsemé d'épines. Les personnages aussi fantasques que pittoresques, évoluent dans une bulle d'authenticité, tels des personnages irréels ressuscités à la vie par une gestuelle superbement bien rendue et efficace. Brillant et époustouflant! J'adore.

D'accord, je reconnais qu'il y a bien quelques petits bémols. La position d'observateur du personnage de Liberty a tendance à le faire parfois apparaitre avec un coté donneur de leçon un peu exaspérant. J'ai également trouvé que certains passages n'apportaient aucune valeur ajoutée à l'histoire et avaient au contraire tendance à en altérer la portée. Comme par exemple le tout premier chapitre, une scène absolument surréaliste décrivant l'agression d'une jeune fille par une meute de femmes à barbes. Mais ces petits bémols sont toutefois mineurs et aisément oubliés, emportés par le flux et le reflux de l'écriture.

Bien que Stephen Wright n'ait écrit que 4 livres en 30 ans, ses publications sont souvent encensées par la critique. J'ai lu quelque part que ses ouvrages étaient souvent considérés "comme des tableaux apocalyptiques d'une réalité ultramoderne". Je ne pourrai pas mieux résumer celui-ci en une phrase ! Car la survivance "apocalyptique" de cet héritage de violence fait partie intégrante de l'Amérique d'aujourd'hui, de ses failles et de ses contradictions. Mais c'est aussi une réflexion sur l'individu aux prises à la folie du monde qui se retrouve seul face à sa conscience.

Je ne le répéterai jamais assez : ce livre est étonnant ! En tout cas, c'est un livre nourri d'une écriture enivrante qui vaut vraiment le détour, et que je recommande chaudement à tous les "bâtards" que nous sommes….

" Est-ce que c'est vrai ? demanda Wallace, hautement amusé par cette vigoureuse polémique.
— Quoi donc ?
— Vous avez paru insinuer que vous étiez plus ou moins métis.
Liberty haussa les épaules. (…) Comment savoir ? (…). le sang coule à travers le temps comme l'eau des fleuves, il va où il veut, quand il veut, sans se soucier des frontières, qu'elles soient géographiques, physiques ou sociales. Les affluents convergent, divergent, convergent encore, en un réseau peut-être moins aléatoire qu'il n'y paraît. C'est la vie, j'imagine. Et au bout du compte, la vie fait de nous tous des bâtards."
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