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Critique de koukich


Quel livre! dommage que ce soit l'oeuvre d'un homme! Mais une femme ne prendrait pas le risque d'émailler son roman d'autant de réflexions féministes!
Quel personnage masculin est-il le plus haïssable dans ce roman ? Richard qui épouse l'héroïne, Mary Mackenzie, pour arranger son statut d'expatrié et qui la maintient, en terre étrangère, la Chine, dans un statut de recluse pondeuse; statut auquel l'héroïne échappe (après la ponte d'un seul enfant qu'elle doit abandonner à son mari) pour tomber dans un autre statut pas plus enviable: y a-t-il pire statut que celui de la femme japonaise ?!! L'écrivain décrit avec subtilité ce statut au travers de certains usages: le code des courbettes, le langage réservé aux femmes. La sensibilité de l'auteur à toutes les humiliations, réservées à la gente féminine en particulier, fait réellement oublier que c'est un homme qui écrit..
Nombreux sont les personnages féminins qui émaillent ce roman: il y a cette féministe de sang japonais mais aristocratique qui vit au banc de la société japonaise; et cette américaine contrainte de retourner en hâte aux EU avec sa flopée d'enfants, seul moyen d'échapper aux grossesses à répétitions.
Il y a les femmes abandonnées et les petites gens en général (serviteurs, jardiniers, tireurs de pousse-pousse etc...).
L'auteur est sensible à toutes sortes d'humiliations et note même les plus légères.
A noter, en particulier la finesse de ce passage: Mary a un petit ami (John, américain je crois) et elle sent que la relation touche à sa fin. L'auteur lui fait dire: "Je suis curieuse de voir comment un homme comme John fait un paquet d'une relation comme la nôtre pour s'en débarrasser discrètement. Je sais ce que ferait un japonais en pareil cas: rien".
Mary ne s'apitoie jamais sur son sort mais "fait avec". Certains se demandent pourquoi elle accepte tout et ne se révolte pas !!
C'est vrai que l'héroïne n'est pas, une "révoltée".
Au début du roman, par exemple, elle quitte docilement l'Ecosse avec son chaperon pour aller épouser un inconnu en poste en Chine, sans se demander si c'est son choix; simplement parce qu'il faut se marier et que Richard est un parti convenable. Pourtant, Dieu sait si l'idée d'aller en Chine pour épouser un inconnu paraît peu enthousiasmante!
Ce qui est particulièrement subtile à ce moment, dans l'écriture de Oswald Wynd, c'est que rien n'est dit sur l'opinion que l'héroïne a de son mari lorsqu'elle le rencontre. Rien sur son impression sur le physique de cet époux, sur ses relations intimes.. C'est le silence total...jusqu'à la relation amoureuse avec le japonais. Nous apprenons alors, seulement, que Richard ne venait la voir que rarement, la nuit, pour assumer son devoir conjugal.
L'héroïne subit la suite des événements: elle ne choisit rien. Elle doit partir (en principe pour l'Ecosse) et laisser derrière elle sa fille qui ne peut être élevée par sa mère devenue une femme dévoyée. Elle ne choisit pas sa destination qui va se trouver être, finalement, le Japon où elle va accoucher.
Elle se trouve alors dans une situation très inconfortable.
Peut-elle trouver une place, pour elle et son enfant, dans la société japonaise ??. Oswald Wynd dépeint là le portrait d'une héroïne tragique.
L'héroïne va vivre alors le pire : l'enlèvement de son enfant à l'initiative du père de l'enfant, ce japonais qui l'a fait venir et l'a installée au Japon dans un petit logement inconfortable, étant lui-même marié et père de quatre enfants.
L'héroïne s'en sort car elle se trouve (heureusement !) dans un monde en mutation. Et lorsque le monde est en mutation, les repères disparaissent et les préjugés finissent par s'estomper. Finalement, les valeurs morales, religieuses, sociales etc..laissent la place à la seule valeur qui compte en période de chaos, l'argent!
Mary s'en sort car elle a le sens des affaires. Dans un tel contexte, (on traverse la 1ère guerre et l'entre-deux guerre) on se fiche bien de ses qualités morales! Mary a de fortes qualités d'adaptations; c'est ce qui fait qu'elle survit.
Ce roman est, en définitive, celui de la solitude en terre hostile. A aucun moment l'héroïne ne va trouver la chaleur d'un foyer. Elle va développer parfois des amitiés-amoureuses avec des occidentaux (John, Peter) dont elle ne partagera jamais la vie. La mort de Peter dans un tremblement de terre n'a pas l'air de l'affecter particulièrement.
C'est le père de son enfant, qu'elle est censée haïr le plus profondément, qu'elle aime en définitive! aussi bizarre que cela puisse paraître. Parce qu'elle a compris l'âme japonaise; (si son enfant avait eu les traits occidentaux, elle l'aurait gardé). Elle finit par croire (ou comprendre ?) que son enfant, aux traits japonais, lui a été enlevé "dans l'intérêt de l'enfant", car il ne pouvait trouver une place, avec ce physique, qu'au japon et dans un foyer japonais.


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