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Critique de fabienne2909


Quel courage hors du commun que celui de Mary Mackenzie, l'héroïne d'« Une odeur de gingembre », tout au long de sa vie !

Dans ce roman épistolaire, celle-ci quitte l'Écosse, sa mère, ses amis en 1905, à l'âge de vingt ans, pour retrouver le mari qu'elle s'est choisi, Richard Collingsworth, un attaché militaire britannique installé en Chine. Très vite, la jeune femme, d'une grande curiosité de la vie et plutôt ouverte d'esprit, se défait peu à peu des conventions victoriennes rigides avec lesquelles elle a été élevée.
Après quelques mois de vie commune, la jeune femme se rend très vite compte de l'erreur commise en épousant un homme qu'elle ne connaît pas : très loin de l'image que chacun s'était fait de l'autre, Mary et Richard ne s'entendent pas. En outre, elle ne parvient pas à se faire à la maison dans laquelle elle vit, et à la société diplomatique britannique, se faisant peu d'amis, à l'exception de diplomates français.
Mary étouffe donc rapidement dans cette vie trop étriquée et à laquelle elle souhaite échapper. La seule issue qu'elle trouve, sans le vouloir vraiment, est plutôt dramatique : à l'occasion de l'absence de son mari et de vacances avec ses amis français, elle devient la maîtresse, le temps de quelques après-midi, du comte Kentaro Kurihama, un officier japonais, de qui elle tombe enceinte.
Chassée par son mari, rejetée par sa mère avec qui elle n'aura plus aucun contact (à part les lettres que Mary lui envoie et auxquelles elle ne répondra jamais), elle arrive au Japon, protégée par le comte Kurihama qui l'installe comme sa maîtresse. Elle accouche d'un garçon qui lui sera enlevé par ce dernier, afin de le placer dans une famille japonaise. Au début du XXe siècle en effet, le Japon, même s'il s'industrialisait, était encore très ancré dans ses traditions, notamment celle des « yoshi », ces enfants adoptés par de grandes familles sans héritier, afin de perpétuer leur lignée.

Mary fera face, tout au long de sa vie, à l'adversité en gardant une force de caractère, un talent de compréhension de l'autre et de la civilisation japonaise (qui pourtant n'était guère accueillante vis-à-vis des étrangers) qui force le respect, à l'instar de l'arbre que Mary préférera dans le jardin de sa maison : « Il y a un autre arbre qui déplaît à Sato [le jardinier de Mary] jusqu'à l'en aigrir, très vraisemblablement parce qu'il n'arrive pas à l'identifier. Sato vient de Kyushu où le climat presque subtropical donne beaucoup de variétés exotiques, mais il n'a jamais vu d'arbre de ce genre. Il dit avec une sorte de haine dans la voix que c'est une chose étrangère. En réalité, cet arbre tout à fait inoffensif ne pousse pas bien vite et a d'assez jolies feuilles pointues qui rougissent en automne. Quand on froisse une de ces feuilles entre ses doigts, il se dégage une légère odeur de gingembre, et même si sa forme de buisson le rend un peu incongru dans un jardin japonais classique, surtout près du point crucial qu'est une lanterne de pierre sur une colline miniature, je refuse de laisser Sato y toucher. […] le fait qu'il dépare ainsi le restant du jardin, avec son allure de plante venue d'ailleurs, accentue encore, à mes yeux du moins, la perfection savamment entretenue de ce qui l'entoure ». Un arbre étranger comme elle, à l'aspect presque japonais comme elle, et qui ne se laissera pas abattre, même après les tremblements de terre : « J'ai jeté un coup d'oeil aux reste de mon vieux pin devenu quasiment du charbon de bois avant de monter sur le petit terre-plein d'où saillait le chicot de l'arbre à gingembre comme un piquet passé à la créosote. Je n'en croyais pas mes yeux, quand j'ai vu ce qui luttait contre les mauvaises herbes pour gagner sa part de soleil : une pousse verte toute nouvelle, émergeant d'un amas de racines noircies, et qui portait déjà neuf de ces feuilles aromatiques si facilement reconnaissables. J'en ai pincé une pour être bien sûre, qui m'a laissé sur les doigts cette odeur de gingembre ».

J'ai énormément aimé « Une odeur de gingembre » et son héroïne, pour la femme qu'elle est et son écriture, si poétique, vivante, belle. C'est le seul ouvrage à ma connaissance d'Oswald Wynd, ce qui est fort dommage, tant il a réussi à rendre le personnage de Mary vivant et crédible.
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