Revue XXI, n°22

Tiré de « Ces mots qui brisent les vitres »
À quoi bon offrir un livre à quelqu’un si vous ne pouvez rien inscrire à l’intérieur ? J’adore que les gens me remettent un livre qu’ils viennent de lire en disant : « Lis ça, c’est génial. » Le livre a déjà un peu vécu, il y a des mots, des phrases inscrites dans la marge, certaines pages sont cornées. Quand vous le lisez, vous y ajoutez vos propres notes, vos propres éraflures à la surface. Vous vous l’appropriez physiquement à mesure que vous découvrez les idées qu’il contient.

Le déménagement, comme révélateur d'un pays en faillite:

Il se souvient d'un homme qui patientait, avec sa femme et deux enfants en bas âge, dans un petit appartement. C'était une nuit d'avril 2012. L'équipe d'Héraclès a fait vite, et discret, car le propriétaire aux nombreux impayés habitait en face. Quand le camion bleu s'est éloigné dans l'obscurité, Niklos est rentré se coucher.

Quelques heures plus tard, un coup de téléphone l'a réveillé. C'était le chauffeur, perdu avec la famille grecque dans les montagnes grecques. "C'est une grange pour les brebis, chef. Y'a pas d'eau courante, pas d'électricité. Je les laisse là ?" Nikos a parlé au père, qui lui a dit qu'il ne voulait plus d'adresse, plus de téléphone, plus rien. Le déménageur a vidé sa cargaison et fait demi-tour, seul.p.102,"Le déménageur de la Grèce"