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Critique de Osmanthe


Le prix Nobel 2012, surtout connu pour ses romans signe ici un recueil de nouvelles…et c'est magistral !
Quatre récits et autant d'aventures palpitantes, pas banales du tout, entièrement auréolées d'une forme de « réalisme magique », mâtinées tantôt d'humour, tantôt de cruauté. J'ai eu le sentiment de contes nimbés d'une sorte de fauvisme littéraire, tellement l'univers de Mo Yan est chatoyant de couleurs, employées en dépit du bon sens prévalant dans le monde réel. Le mouvement est là dans ces rêves éveillés, il y a une certaine poésie, mais rien n'est statique, l'heure n'est pas à la contemplation. La narration est simple, vive, le lecteur est immédiatement placé sous la fascination de la puissante personnalité d'un personnage, souvent une femme, en majesté dans ses habits éclatants de couleurs, accompagnée qui d'un âne, qui d'un chien eux-mêmes domptés par cette superbe maîtresse. Mais très vite, l'inquiétude gagne, évoluant vers une sorte de panique, de folie. Le rêve se mue en cauchemar. Pour faire naître cette impression anxiogène, Mo Yan déploie une arme aussi étonnante que redoutable : le goût du détail dans la description, comme si le zoom sur une partie d'un corps, d'une plante par exemple, la description précise et parfois assez trash d'une souffrance, provoquait l'angoisse voire l'horreur…Du grand art !

Rapidement, pour simplement évoquer en deux mots le pitch de chacune des histoires : la nouvelle titre, La Belle à dos d'âne dans l'avenue de Chang'an…nous en fait voir de toutes les couleurs. Une belle et mystérieuse femme aux beaux habits, juchée sur un âne, arpente fièrement l'avenue susnommée (soit dit en passant, longue de 22 km, à Pékin, ce qui en fait semble-t-il la plus longue avenue du monde et extraordinairement embouteillée), derrière un homme en armure monté sur un cheval. Ce double couple improbable, comme sorti des temps anciens, trouve le moyen dans sa majestueuse déambulation d'hypnotiser la foule qui s'agrège fortement autour, en auto, à vélo, à pied, gagnée petit à petit par un désir hystérique et bientôt paroxystique d'approcher, de toucher ces quasi-divinités…pourtant, le facétieux Mo Yan saura nous ramener à la réalité toute nue, dans ce théâtre d'artifices à ciel ouvert…qui peut-être est une habile et mesurée moquerie non seulement de ceux qui se prétendent les guides du peuple, mais aussi sans doute du peuple lui-même qui se laisse prendre aux mirages…

Dans la femme au bouquet de fleurs, le personnage masculin, homme d'âge mûr amiral de vaisseau se trouve nez à nez avec une toute jeune et jolie femme, accompagnée d'un chien noir. Robe verte, cheveux…bleus, l'homme est terrassé d'amour, sur le champ. Ce brave homme sent bien que ce n'est pas raisonnable, et préfère ne pas aller plus loin, mais la belle va le poursuivre partout avec son canidé. Cette double présence permanente et le sourire muet absolument indéfectible de la Belle vont faire virer le conte de fée naissant à l'angoisse, jouant sur les nerfs de l'homme harcelé, tiraillé par sa conscience, entre des envies de meurtre et de sauvetage romantique…stressant et haletant !

Les Poucettes, ce sont les menottes de pouces qu'on mettra au petit Ayi, parti au loin chercher des médicaments pour sa mère mourante. Des paysans méfiants vont l'attacher à un arbre de cette manière, le laissant à l'abandon. le supplice de l'enfant est terrible, la torture est autant psychologique que physique, tant parce qu'il espère à plusieurs reprises dans un moyen de s'en sortir que parce qu'on sent la fin approcher, dans une ambiance d'angoisse où les esprits maléfiques semblent s'incarner dans la vie animale et végétale environnante…s'en sortira-t-il, et pourra-t-il sauver sa mère ?

Si j'ai adoré les trois précédentes, j'ai moins accroché sur le Combat dans la peupleraie. Pour une histoire d'âne noir qui mordit un enfant, deux bandes vont s'affronter de manière réitérée dans une peupleraie. L'une menée par le fils de la tante Zhao, armée de couteaux de cuisine, l'autre par le fils du secrétaire (local du Parti bien sûr), armée de massues. Je ne suis pas sûr d'avoir bien compris le propos de ce récit qui détonne des précédents. Ce qui frappe avant tout, c'est le prétexte à aligner des expressions et proverbes chinois, tels que certains sont cités par ailleurs.

Au total, d'excellents récits qui assurément imprimeront dans ma mémoire !
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