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Critique de nilebeh


Yaïr Mozes, âgé de soixante-dix ans, est un réalisateur israélien célèbre. Son oeuvre doit faire l'objet d'une rétrospective à Saint Jacques de Compostelle, en Espagne. Il est invité dans cette ville accompagné de son actrice-fétiche, Ruth, âgée, elle, de cinquante ans. Elle fut sa muse, son amante, son amour et elle va partager son lit durant ces trois jours de remémoration de souvenirs anciens. le roman va tourner autour de ce personnage qui, progressivement, va devenir une “ figure ”, un symbole, la concrétisation du rêve du metteur en scène. Mais pas seulement. le scénariste, le trouble Trigano, et aussi le directeur de la photographie, le délicat Toledano, seront pris par le charme magnétique de Ruth.
Que viennent-ils faire à Compostelle, ces drôles de pèlerins, revenus sur leurs pas d'artistes, à revoir de vieux films qu'ils ont eux-mêmes oubliés? Ils ressuscitent les cadrages, les dialogues, la lumière, le son mais toujours des détails leur échappent et ils découvrent que leurs souvenirs ne sont pas les mêmes. Curieuse frustration de la mémoire...Ce qui était important pour l'un a été totalement occulté par l'autre. Comme ces scènes avec une petite fille disparues au montage, Mozes ayant finalement choisi d'y renoncer, créant ainsi une immense déception chez la petite Ruth dont l'actrice gardera le nom, comme un dédommagement.
La scène finale aussi sera annulée, celle qui devait mettre en scène la jeune femme donnant le sein à un vieillard. Quelque chose de fellinien dans cette vision (Armarcord) mais il s'agit en fait d'un épisode de la mythologie romaine, dite “ la charité romaine ”, où l'on voit une toute jeune mère nourrir de son lait un vieillard enchaîné et destiné à mourir de faim. L'érotisme disparaît quand on sait qu'il s'agit d'une fille venue au secours de son père. Selon les peintres, Vernet, Deshays ou d'autres, l'indécence et le malaise sont plus ou moins perceptibles, compte tenu de la posture des personnages et de l'importance accordée à leur regard.
Ce tableau, judicieusement accroché au mur de la chambre de Mozes, nourrit le roman et suscite de multiples questions sur le rôle qu'il a joué, des dizaines d'années auparavant, dans la réalisation du film et sur les conséquences psychologiques qui en ont découlé. Ruptures, rancoeurs, amputation d'une oeuvre artistique: le voyage à saint Jacques de Compostelle devra essayer de cicatriser de multiples blessures.
C'est à ce travail douloureux d'introspection, de retour sur le passé et de quête de pardon que nous assistons, sur fond de conflit israëlo - palestinien, dans un aller-retour pénible et nécessaire entre les temps anciens et la date d'aujourd'hui, entre l'Espagne et Israël. Un roman comme une quête de soi, comme une douloureuse et, peut-être, apaisante réflexion sur la création artistique, un foisonnement intellectuel doublé d'une sensibilité déchirante ou délicate, un long et délicieux moment de lecture qui,il me semble, nécessitera une relecture afin d'en approfondir la richesse.
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