AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Levant


Levant
31 décembre 2016
La raison d'être de pareil ouvrage : Mishima ou La vision du vide ? Inutile de paraphraser Marguerite Yourcenar, laissons-la nous en faire la confidence à la page 81 - Editions folio : "Ce qui nous importe c'est de voir par quels cheminements le Mishima brillant, adulé, ou, ce qui revient au même, détesté pour ses provocations et ses succès, est devenu peu à peu l'homme déterminé à mourir".

L'intention de cet essai aurait pu être de faire l'apologie du talent de son sujet, Yukio Mishima, auteur japonais reconnu de la première moitié du vingtième siècle. Mais cette intention n'est qu'accessoire dans l'esprit de Marguerite Yourcenar. Des auteurs de talent l'histoire en compte plus d'un, fort heureusement. Des auteurs qui ont mis fin à leurs jours aussi. Ces derniers exercent forcément une forme de fascination qui incite à explorer leur motivation. On en tire souvent la conclusion d'une inspiration qui s'est brûlé les ailes aux confins du génie.

Le cas singulier de Mishima vient de la planification de longue date, le mûrissement, la préparation dans le moindre détail, plusieurs années avant, la mise en scène de l'acte fatal dans la plus pure tradition des Samouraïs japonais : le seppuku, forme rituelle de suicide par éventration, plus connu sous le nom de Hara-Kiri. Alors que telle pratique avait été interdite par les autorités japonaises un siècle plus tôt.

Et Marguerite Yourcenar de poursuivre dans la même chapitre : L'important est surtout de cerner le moment ou il a envisagé … son chef d'oeuvre."

Il y a donc dans cet acte morbide et spectaculaire une démarche spirituelle qui fascine et que cherche à décoder Marguerite Yourcenar. Elle se livre pour cela à une étude documentée de l'oeuvre de Mishima, auteur au talent reconnu de son vivant, et tente d'y détecter les prémices d'une justification, les étapes d'une montée en puissance. Avec l'outrecuidance de l'homo ignorantis que je suis, je n'en attendais pas moins d'elle, même si l'Everest d'érudition qui nous sépare – et c'est encore un euphémisme que de l'avouer – m'a rendu cette lecture parfois laborieuse. Non par son vocabulaire ou ses tournures syntaxiques qui restent abordables, Marguerite Yourcenar ne cherche jamais à jeter de la poudre aux yeux, mais par les références littéraires mises en oeuvre qui me renvoient au grand vide sidéral de ma culture comparée.

Il s'agissait donc bien là de faire la démonstration du fait que cette fin terrible était aussi rationnelle qu'inspirée dans l'esprit de son auteur et constituait en outre l'apothéose de son oeuvre. Son chef d'oeuvre. Elle laisse à la mère du supplicié par lui-même le soin de tirer la morale de cette fin tragique et sublime à la fois : "Ne le plaignez pas. Pour la première fois de sa vie il a fait ce qu'il désirait faire."

ll fallait bien tout le talent de la célèbre académicienne pour me convaincre de la logique de cette fin. Je n'ai pu que me ranger à ses arguments. Je poursuis mon ouverture à son talent en me délectant, dans la continuité de cet ouvrage singulier que je viens de refermer, du recueil des entretiens que l'illustre académicienne a accordés à Mathieu Galey et retranscrits dans Les Yeux ouverts. Édifiant, surtout de la part de d'une auteure si avare de confidences !
Commenter  J’apprécie          300



Ont apprécié cette critique (26)voir plus




{* *}