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Critique de bdelhausse


2003. le souvenir des Twin Towers est encore vivace. Les manifestations se mutliplient contre la guerre qui se prépare.

A Bruxelles, un étrange juif khazar est interpellé dans le métro. Fantasque, décalé, un brin cynique, il harponne le réseau d'une musulmane qui passe et se rend à une manif anti-guerre. Il finit par l'inviter au Hilton où il loge. Ils font l'amour. Il sent la ceinture d'explosifs sous ses vêtements, sous un t-shirt où "No War" est inscrit. Elle était vierge et se maudit d'avoir cédé à l'appel de la chair.

On retrace alors le parcours de Fadya, sous la pression de sa famille, de son frère surtout. Elle est la traditionnelle victime expiatoire. Partagée entre vivre et honorer sa famille, elle représente les paradoxes de l'islam à cheval entre modernité et vision restrictive.

Que vont-ils devenir? Cet amour charnel est-il viable, a-t-il du sens? Et le don de soi pour détruire la vie? Qui est ce Jules Engell Stern, juif khazar? Il le dit lui-même, "Engell" avec deux ailes comme les anges. C'est un Khazar, et les Khazars ont bâti le seul empire juif (on raconte énormément de choses, d'ailleurs sur les Khazars), sacrifié par Staline en 1943 et parti en fumée dans les camps de la mort nazis. C'est comme cela qu'Yslaire démarre le tome, par des scènes très dures dans les camps. Il en ressort l'idée que ce Jules Engell Stern n'est pas humain... qu'il représente quelque chose de "supérieur".

C'est noir, sombre, glauque, désabusé, mais c'est vivant en même temps. Il y a de l'énergie, une volonté de s'extraire de l'enchaînement forcé des événements. C'est hyper léché dans le dessin et la mise en couleur. C'est hyper travaillé, sensuel et viscéral tout à la fois. C'est très complexe. Yslaire ne juge pas. Il développe de l'empathie, c'est le mot-clé, même pour Fadya dont le lecteur ne peut admettre le geste, mais qu'il veut prendre sous ses ailes (comme Engell...).

C'est une BD qui doit se ressentir, avec ses tripes. Qui déconstruit et bouscule pas mal de certitudes, de tabous, d'idées reçues, et qui m'a souvent fait penser à l'oeuvre de Bilal.

Je me réjouis de lire le second tome. Et je pense que le métier de dessinateur est justement d'apporter de l'émotion et du sens là où ils font si souvent défaut.

J'ai deux bémols. D'une part, l'introduction de mots de flamands et de zwanze bruxelloise peut freiner le lecteur et empêcher que cette BD soit largement partagée. D'autre part, si j'apprécie les graphies spécifiques dans les dialogues, ce n'est pas toujours évident à lire. Pour Jules Engell, on a une sorte d'alphabet évoquant un mélange de cyrillique et d'hébreux (grosso modo) avec des lettres inversées notamment. Mais pour le frère de Fadya et sa famille, la graphie reproduit la calligraphie arabe et c'est très compliqué à lire. Mais c'est beau.
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