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Critique de EvlyneLeraut


« C'était le temps des mères méfiantes, des pères taciturnes, et des solides grands frères, mais c'était aussi le temps des couvertures, des plaids et des ponchos ».
Quel incipit !
Le Chili et ses hôtes, bien au-delà, le portrait extraordinaire de Gonzalo, dont ne lâche pas le regard un seul instant.
Ce récit lumineux est une jachère fleurie qui frémit sous le vent. On s'attache d'emblée à la formidable histoire menée d'une main de maître par Alejandro Zambra. Initiatique, d'apprentissage, rebelle et douce, sentimentale, dans cette orée où s'élèvent les habitus, l'idiosyncrasie chilienne et les protagonistes qui déambulent sur les voies de traverse. Parfois à l'aveugle, ou déterminés et immensément libres.
Gonzalo revoit fortuitement à Santiago, Carla. La jeune femme aimée sur la passerelle des expériences entre l'adolescence et l'âge adulte. Rien n'a changé. Il ressent pour elle l'expression-même de l'écriture d'Alejandro Zambra. C'est à dire l'inoubliable et l'inconditionnel. Gonzalo est attachant, beau et sensible. Il est romantique, passionné de poésie, et lit à l'infini les langueurs et les désespoirs des poètes chiliens. Les résistances et les souffles d'un Chili opprimé, il n'y a pas si longtemps encore. Il écrit en secret, dans cette mélancolie exutoire. Gonzalo est une belle personne. « Et il pensa qu'il était à seize ans la même personne qu'elle était à seize ans. Il continuait à écrire tous les jours, avec une passion disciplinée, mais il n'aimait rien de ce qu'il écrivait, ce qui aurait été la réponse courte ». Gonzalo lance des galets dans la rivière. Résurgence, les souvenirs comme des étoiles. « Chez toi, il y avait toujours de la confiture de mûres ou de cheveux d'ange dit-il ».
Comment renouer le passé et le présent ? « Un échange de détails de ces années-là ».
Carla et Gonzalo vont s'apprivoiser. Subrepticement, dans cette magnificence d'une pudeur fébrile qui retient tout, encore un peu, pour ne pas briser ce qui advient : le lien.
« Au cours des semaines suivantes, à force de promenades au parc et de glaces à la pistache commença à s'écrire le brouillon d'une famille, mais aucun des deux n'avaient conscience que le brouillon pourrait devenir un livre ».
On aime ce temps où rayonne la quiétude des choses simples. L'affection qui gravite jusqu'au coeur de Vicente. Lui, le padrastro et l'enfant hijastro. le charme d'une trame surdouée, formidable. La littérature plus forte que la vie. Gonzalo se rêve romancier, écrit un peu mais maladroitement, avec le doute qui ravage tout.
Plume passerelle, retranscrire l'aura des poètes chiliens, tous. Gonzalo est intègre et loyal et lucide. Entre son rôle et l'enjeu d'être un padrastro aimant, investi, il trouve sa place dans cet antre où Carla est source d'inspiration. Écrire le quotidien, paraboles chiliennes. Les entrelaces qui sont fonte de glace et bruit de roche. Et puis, il y a le style qui dévore ce livre, « jamais je ne vous abandonnerai, dit-il cependant, et il connut le vertige des paroles définitives ». « Si tu ne connais pas le nom des arbres, invente-les ».
Dix ans se sont écoulés. Gonzalo retrouve Vicente, passionné de poésie lui aussi et plus encore. La transmission annoncée, spéculative et révélatrice.
Ne rien dire de plus. Juste laissez venir à vous ce chef-d'oeuvre grandiose et éloquent. le génie !
Traduit à la perfection de l'espagnol (Chili) par Denise Laroutis. Publié par les majeures Éditions Christian Bourgeois.
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