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Critique de michfred


Valérie Zenatti a le don d'enfance.

Elle peut raconter la misère, la promiscuité, les coups, la guerre, la violence, la mort, l'injustice, on entendra toujours le chant des ortolans, le grésillement des sféritès dans l'huile bouillante , les you-you des femmes dans les cours ensoleillées, le rythme fiévreux des darboukas . Elle peut nous crever le coeur de désespoir, elle a toujours une petite caresse de la main ou du mot pour apaiser notre chagrin, calmer notre révolte - comme le frôlement fourré d'une abeille sur notre front qui nous rappelle que le miel existe.

J'ai lu d'une traite Jacob, Jacob, j'ai vibré, j'ai pleuré. J'ai goûté une écriture dorée, légère, tendre, amicale, chaleureuse. J'ai adoré.

Jacob est jeune, beau, joyeux, intelligent, fraternel et adoré de tous. Il porte le nom d'un frère mort juste avant lui: Jacob,frère de Jacob. Jacob, Jacob...

Mais lui, c'est la vie même. Il vit à Constantine dans la ville aux ponts vertigineux, où, dans un melting-pot joyeux, se mêlent Juifs, Français de souche et Arabes. Malgré la misère, les pères sévères et brutaux, les mères tendres, nourricières mais réduites au silence et à l'obéissance. Et même malgré la guerre et la collaboration qui loin de la métropole interdit pourtant, un temps, aux jeunes Juifs de suivre l'école, et aux professeurs juifs d'enseigner. Un professeur juif fait en cachette l'éducation de tous ceux que le régime de Vichy a mis en quarantaine. Jacob obtient son baccalauréat, sans le moindre retard, malgré deux ans d'éviction scolaire.

Il a dix-huit ans, il est en pleine santé, il est souple, élancé, plein de force. Cela tombe bien : la guerre a besoin de chair fraîche...Il part avec trois camarades constantinois, un Juif, Un Arabe et un Français de souche participer, sous la houlette de de Lattre de Tassigny, au débarquement de Provence et délivrer une à une les villes de France où l'Allemand s'attarde: celles du Sud, puis Lyon, et enfin l'Alsace.

Le bat'd'Af' se couvre de gloire et son chant est repris par tous ces fils lointains de la France qui leur a été si peu reconnaissante. Jacob aime tant chanter, il fait chorus: "Nous sommes les Africains, nous venons de loin.." Mais la guerre n'est pas seulement une aventure glorieuse, c'est une machine à tuer, à détruire, à perdre sa belle insouciance, ses copains, et plus encore peut-être.

Valérie Zénatti file son récit, de l'après-guerre, aux fameux "événements " d'Algérie qui envoient les pieds-noirs se déraciner en métropole. Puis aux années soixante neuf...sur lesquelles le "roman" s'achève dans une boucle émouvante et inattendue que je ne dévoilerai pas et qui achève de nous bouleverser.


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