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Critique de fanfanouche24


Un titre aussi éblouissant que son contenu !

Découverte émerveillée de cette auteure, avec cette première lecture.
Ouvrage que je souhaitais lire dès sa parution en septembre 2017; en
boulimique invétérée, incorrigible, je me suis dispersée, et j'ai reporté
cette lecture, tout en ayant bien en mémoire cette curiosité première !
Voilà, mon retard réparé ...!

Comme je le fais rituellement, lorsqu'il y a pléthore de critiques [combien
méritées !] je ne les lis qu'après la rédaction de ma propre prose !
Ce que je ferais dès que j'aurai terminé "ma copie" !

Un titre sublime et tragique à la fois, qui exprime si fidèlement la
douleur, les complexités de l'histoire de l'Algérie.

Alice Zeniter, petite-fille de harki, née en France, ne se sentait que
lointainement reliée à la terre de ses ancêtres...Et puis les années
passent...le déclic surviendra pour faire connaissance avec le passé
et les drames vécus par ses aïeux, dont la situation intenable vécus
par les harkis , ses grands-parents !

"Le camp Joffre – appelé aussi camp de Rivesaltes – où, après les longs jours d'un voyage sans sommeil, arrivent Ali, Yema et leurs trois enfants est un enclos plein de fantômes : ceux des républicains espagnols qui ont fui Franco pour se retrouver parqués ici, ceux des Juifs et des Tziganes que Vichy a raflés dans la zone libre, ceux de quelques prisonniers de guerre
d'origine diverse que la dysenterie ou le typhus ont fauchés loin de la ligne de front. C'est, depuis sa création trente ans plus tôt, un lieu où l'on enferme ceux dont on ne sait que faire en attendant, officiellement, de trouver une solution, en espérant, officieusement, pouvoir les oublier jusqu'à ce qu'ils disparaissent d'eux-mêmes. C'est un lieu pour les hommes qui n'ont pas d'Histoire car aucune des nations qui pourraient leur en offrir une ne veut les y intégrer. "

Et voilà notre écrivaine qui repart à l'envers du voyage... remontant
les épreuves, et le parcours de ses grands-parents, dont Ali ( le grand-père), et de son père, Hamid qui sont parmi mes personnages préférés !
Ce grand-père, homme -montagne, géant aux talons d'argile....
Ali, personnage étonnant auquel on ne peut que s'attacher. de l'émotion, du respect, de l'empathie pour cet ancien chef de village estimé, écouté...piégé dans deux guerres, dont une, encore plus insupportable, puisque fratricide !

Une fresque foisonnante où nous suivons l'histoire d'une famille
algérienne sur plusieurs générations, l'exil en France, le sort terrible
et injuste subi par les harkis, la perte irrémédiable d'un pays, d'une langue... les ravages , les déconstructions de la guerre.... et la tentative de
RECONSTRUIRE ailleurs !

"Ils éclatent de rire et Ali s'étonne, alors même qu'il rit lui aussi, que cette plaisanterie guerrière puisse les amuser. Il sent bien qu'il n'est pas le seul à être surpris: les hommes et les femmes présents rient plus longtemps et plus fort que la réplique de Bachir ne le mérite.
Ils rient de pouvoir rire. Ils rient de constater que la guerre a reculé dans leur esprit, comme les flots à marée basse et que sur la plage qu'elle a découverte, ils peuvent employer le vocabulaire de l'affreux sans céder à la panique." (p. 198)

Après un tel ouvrage, il me paraît impossible de garder le même regard,
la même perception vis à vis de tout migrant, tant on ressent grâce au talent narratif de Alice Zeniter l'arrachement à une terre, aux racines,
et les douleurs, les blessures inguérissables qui s'ensuivent tout le chemin
d'une vie...

Un livre magistral, universel... qui aborde tant de sujets, de questionnements humains éternels....Qu'est-ce que perdre son pays, reconstruire ailleurs, trouver un sens , sa place après avoir été "transplanté",bafoué, avoir subi la ségrégation, etc. Un roman foisonnant difficilement "résumable"...

Un immense coup de coeur...et une admiration entière pour le talent ,
les finesses d'analyse ainsi que pour les profils très denses des personnages décrits par cette jeune écrivaine ! Une grande lecture qui restera durablement dans "mon Panthéon personnel" !!...

"Paris, au-dehors, est immense mais l'amour émerveillé qu'il lui porte ne suffit pas à faire disparaître une amère sensation de solitude.
C'est la première fois qu'il se retrouve sans personne avec qui il partagerait une histoire. (...)
Hamid a voulu devenir une page blanche. Il a cru qu'il pourrait se réinventer mais il réalise parfois qu'il est réinventé par tous les autres au même moment. le silence n'est pas un espace neutre, c'est un écran sur lequel chacun est libre de projeter ses fantasmes. (...)
Pour être sûr d'être compris, il faudrait qu'il raconte. Il sait que Clarisse
n'attend que ça. le problème, c'est qu'il n'a aucune envie de raconter. Elle
le regarde avec inquiétude dériver sur une mer de silence." (p. 311 )
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