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Critique de Luxi


En feuilletant cette bande-dessinée à la Médiathèque, je me suis dit très clairement que je n'allais rien y comprendre mais je l'ai emportée parce que la couverture m'avait happée et que les dessins me plaisaient. J'ai bien fait de faire confiance à mon intuition parce que cet ouvrage est un vrai petit diamant.
L'histoire s'ouvre sur la mort d'une grand-mère ; les parois du monde s'affaissent autour de Zero, son petit-fils. Mais c'est aussi l'heure des grands questionnements puisque ce décès fait rejaillir de nombreuses interrogations sans réponses.
Comment cette femme française, originaire de Nice, a-t-elle fini sa vie à Rebibbia, une banlieue italienne un peu paumée ? Pourquoi cette accumulation déconcertante de boîtes de chocolats dans ses tiroirs ? Pourquoi les fleurs qui décorent son cercueil sont-elles adressées à des prénoms différents ? Pourquoi sa mère porte-t-elle un patronyme anglais et pourquoi, toujours, ce silence écrasant lorsqu'il interroge sa famille au sujet de ses origines ?
MAIS BON SANG, QU'EST-CE QU'ON LUI CACHE A LA FIN ?!
Nous suivons ainsi Zero jusqu'à l'appartement de feu sa grand-mère où il est chargé de récupérer une très vieille bague avec laquelle celle-ci souhaitait être enterrée. Son ami Secco l'accompagne et, d'objets en boîtes remplies de photographies, nous faisons avec eux de grands bonds dans le passé de cette fameuse grand-mère aussi fantaisiste que mystérieuse.
Les dessins sont incroyablement percutants : concis ou plus détaillés mais toujours infiniment subtils, lumineux, inquiétants ou mélancoliques, souvent métaphoriques et truffés de références. J'ai été éblouie par ces dessins. En noir et blanc, ils sont exceptionnellement expressifs et parfois encore accentués par des touches subites mais puissantes de couleur rousse.
Entre personnages réels et personnages-animaux, monstres terrifiants aux dents aiguisées, délires, hallucinations et digressions permanentes, Zerocalcare perd le lecteur pour mieux l'éblouir à la fin. Vers la moitié de l'ouvrage, l'histoire prend un virage nettement fantastique et c'est d'autant plus fascinant qu'on a la sensation de ne plus rien comprendre du tout. Mais les révélations finales réunissent les divers morceaux du portrait et tout s'illumine ; ce tendre dénouement explique aussi ce fameux titre énigmatique : "Oublie mon nom". C'est drôle, c'est terriblement émouvant et intelligemment mené ; on se laisse prendre au jeu et cette famille devient peu à peu la nôtre également.
J'ai été particulièrement touchée par certaines planches dans lesquelles le Zero trentenaire se superpose au Zero d'autrefois. Son double adolescent réapparait avec ses doutes, ses colères foudroyantes, ses révoltes de camelote et ses refus provocants : culpabilité et remords submergent alors l'adulte qu'il est devenu. Pourquoi lui ai-je parlé comme ça ? Ne pouvais-je pas rester un peu plus avec elle ? Regrets qui font douloureusement écho à ceux que l'on éprouve face à sa propre vie : pourquoi n'ai-je pas accepté de jouer avec lui ce jour-là ? Pourquoi l'ai-je rabrouée avec autant de violence ? A présent que les personnes en question ne sont plus là, on se sent bien amer, coupable et abattu, impuissant surtout face à ses (petits) affronts irréparables.
C'est un magnifique conte empli de poésie, à la fois cocasse et poignant, qui mêle légèreté et tragique avec une grande inspiration. C'est une oeuvre qui traite de thèmes aussi divers et fondamentaux que la mémoire et le souvenir, la souffrance, les origines, les secrets de famille, la peur, la perte, le deuil et l'abandon. Une bande-dessinée que je vais assurément me procurer pour l'avoir dans ma bibliothèque et pouvoir la relire encore et encore… Une petite perle tout en délicatesse et sensibilité. Magique.
Lien : https://lechemindeslivres.wo..
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