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Critique de dido600


"La porte de la mer" s'ouvre sur un viol incestueux, acte fondateur d'une trame dramatique bien menée et bluffante de réalisme. Amina Rachedi est une jeune femme que rien ne prédisposait à une vie houleuse, jusqu'au jour fatidique où son père, ancien instituteur converti à l'islamisme puis devenu émir dans les maquis terroristes, commet sur elle le geste irréparable. Il la viole au mépris de toute morale, sans état d'âme ! Elle se retrouve enceinte. Par défi et contre vents et marées, elle décide de garder l'enfant, le sceau du crime, en poursuivant malgré tous ses études à l'université d'Alger. Afin de subvenir à ses besoins et aux besoins de ses petits frères dont elle a désormais la charge, elle se fait prostituée de luxe. Elle entre alors, dans l'univers pervers du gotha d'Alger où diplomates des pays du Golfe et privilégiés du régime, s'adonnent à la satisfaction de leurs plus bas instincts sur des jeunes étudiantes que la pauvreté et le manque de perspectives a jeté dans leur bras.
A travers ses tribulations, Amina nous fait découvrir, avec un sentiment patriotique outragé, la décadence de la société algérienne et de son élite, prises dans les rets d'un système politico-policier érigé sur le viol d'une nation qui peine à se relever sous le poids de la corruption et de la gabegie. Sous la toile de fond des jours ensanglantés par les crimes islamistes, elle voit l'ombre du pouvoir, étaler sur les esprits, les ténèbres de l'obscurantisme et préparer l'Algérie à de sombres horizons. le père d'Amina en est l'un des symptômes de ce mauvais augure. Sanguinaires revenus des maquis, lui et ses acolytes deviennent par la grâce de «la charte de réconciliation nationale» des notables qui trônent sur des fortunes constituées sur le crime des civiles désarmés et briguent des postes électoraux en toute légalité, sans rendre compte de leurs méfaits à toute forme de justice .
Comme nombre de jeunes algériens que le désarroi a pris dans ses serres, Amina rêve de franchir la porte de la mer vers un ailleurs qui libère et fait prospérer. Elle croit avoir trouvé la clé dans l'argent qu'elle gagne en vendant son corps ou dans l'amour d'un jeune attaché de l'ambassade de France qui lui promet de l'épouser et de l'emmener vivre avec lui à Paris. Elle va jusqu'au bout de son rêve, mais elle déchante très vite. Sa déception se confond avec un éclair de conscience qui lui ouvre la porte de la mer vers un autre destin moins illusoire : "En me quittant, Michel avait ouvert, sans le savoir, la porte de la mer de ma vie intérieure, il m'avait rendu définitivement à moi-même, à ces multiples combats que j'avais encore à mener, dans mon pays. J'avais désormais toutes les forces pour mener ces batailles en espérant, un jour, changer les esprits". Amina est un personnage à la fois plausible et symbolique, elle a mal au pays, car elle est le pays.
L'oeuvre de Youcef Zirem est une dissection sur le corps malade de l'Algérie et un roman d'amour. Fin observateur, sa plume, tel un scalpel fignole le détail qui dévoile l'ampleur du désastre et raconte l'histoire des amours impossibles dans un pays lacéré par d'incestueuses violences. Son écriture passe de la sociologie à l'histoire, de la psychologie à la poésie sans transfigurer la cohérence d'un récit éclairant et captivant.
Ecrit sur un rythme soutenu, dans un style sobre, limpide et sans artifices, le roman de Youcef Zirem se lit d'une traite pour le plaisir du lecteur.

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