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Critique de Renod


Renod
01 février 2017
Le « ventre » de Paris, ce sont ses Halles, un «géant de fonte», une «Babylone de métal», un «organe central battant furieusement» qui ingurgite une profusion de denrées pour les recracher mâchées à ses deux millions d'habitants. Zola les décrit dans leur globalité, des toits aux sous-sols, en s'attardant sur chaque commerce d'alimentation et de bouche. Après avoir étudié les affairistes et les spéculateurs dans la Curée, il choisit d'analyser les petits commerçants qui s'enrichissent paisiblement sous le Second Empire. La charcutière Lisa symbolise cette classe. Elle mène une existence rangée, soucieuse de son confort. Elle soutient l'Empire et l'Église qui confortent son égoïsme tranquille. L'arrivée de son beau-frère qui s'est échappé du bagne va bousculer la mollesse de ses habitudes et la vie du quartier. le gros système digestif se trouve indisposé, fiévreux.

La charpente des « Rougon-Macquart » transparait nettement dans ce volume mais j'avoue être peu sensible à la fresque sociale et politique du Second Empire et aux questions d'hérédité. Et puis il y a cette volonté de l'auteur de vouloir tout dire et tout montrer au risque de surcharger son récit.
Par contre, j'ai apprécié Zola le peintre qui parvient à décrire un amoncellement de légumes, un étalage de charcuterie, une vitrine de bijoutier, les mannes d'un poissonnier ou l'architecture d'un pavillon avec un sens pictural extraordinaire. Il utilise dans ses descriptions une palette de couleurs et il sait jouer avec les lumières. Il parvient à faire ressentir l'atmosphère épaisse et lourde d'un espace fermé, la tiédeur d'un souffle, la touffeur d'une cave. le lecteur suffoque dans les remugles de vieux fromages ou la puanteur des resserres où les volailles sont entassées. Zola se sert d'images délicates ou brutales. Les choux-fleurs figurent des bouquets de mariée, les poissons des bijoux barbares. Les charcutiers sont décrits tout en ventre ou en gorge et sont dotés des attributs des porcs : groin ou couenne. Les rues, les murs, les eaux transpirent de graisse. Outre les images, il y a les juxtapositions qui sont riches en significations : les pavillons Baltard tout en vitres et en zinc s'opposent à l'église Saint-Eustache sombre et grise, à l'architecture surannée ; les ramiers des Tuileries s'ébrouent dans le parc quand des pigeons sont égorgés par centaines dans les caves des Halles.
J'ai aimé la mise en scène de cette comédie sociale résumée par cette saillie célèbre de Claude Lantier : « Quels gredins que les honnêtes gens ! » Dans la petite société des Halles, tout n'est que médisances, commérages, jalousies, trahisons. C'est le règne de la cupidité drapée de vertu.
Enfin, le roman nous rappelle tout un monde perdu : les légumes sont cultivés à Nanterre, on se retire à Clamart pour sa retraite, on cherche la campagne à Romainville, et les rues de Paris sont encombrées de charrettes de marchande des quatre-saisons…

Le récit est gonflé par une ambition démesurée et les ficelles sont parfois un peu grosses. Mais Zola parvient à transfigurer la réalité grâce à ses descriptions pleines de poésie et à rendre parfaitement les caractères et les mœurs du peuple des Halles.
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