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Citations sur L'âge du capitalisme de surveillance (13)

Le capitalisme industriel a transformé les matières premières de la nature en marchandises, et le capitalisme de surveillance revendique la nature humaine comme matériau pour créer une nouvelle marchandise. Aujourd’hui, c’est la nature humaine qui est raclée, lacérée, et dont on s’empare pour le nouveau projet de marché du siècle. Il est choquant de supposer que ce préjudice peut être réduit au fait évident que les utilisateurs ne reçoivent aucune rétribution pour la matière première qu’ils fournissent. C’est un formidable fourvoiement que de recourir au mécanisme de fixation des prix pour institutionnaliser et donc légitimer l’extraction du comportement humain dans un objectif de fabrication et de vente. C’est aussi ignorer le point-clé de l’affaire, à savoir que l’essence de l’exploitation ici est la restitution de nos vies sous forme de données comportementales destinées à améliorer le contrôle que d’autres ont sur nous. Les questions les plus remarquables qui se posent ici concernent d’abord le fait que nos existences sont restituées sous forme de données comportementales ; ensuite, le fait que l’ignorance est une condition de cette restitution omniprésente et que le droit de décider s’évanouit avant même que l’utilisateur ait eu connaissance qu’il y avait une décision à prendre ; enfin, le fait que cette réduction de nos droits entraîne des conséquences que nous ne pouvons ni voir, ni prévoir ; qu’il n’y a aucune issue, aucune voix, aucune loyauté à attendre et que seuls l’impuissance, la résignation et l’engourdissement psychique sont notre lot. Ajoutons que le cryptage est l’unique action positive dont nous pouvons encore discuter quand nous sommes assis autour d’une table à réfléchir négligemment à la manière dont nous pourrions nous dissimuler aux forces qui se soustraient à notre regard.
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C'était un temps où les scientifiques se rendaient compte de l'obstination des animaux à se mouvoir librement. Ils en tiraient la conclusion que la surveillance était le prix nécessaire du savoir. Enfermer les animaux dans un zoo éliminerait le comportement que les scientifiques voulaient étudier, mais comment les surveiller? Les solutions déjà concoctées par des chercheurs de troupeaux de wapitis, des tortues de mer et des oies ont été remises à neuf par les capitalistes de surveillance. Elles ont été présentées comme une fonctionnalité inévitable de la vie au vingt-et-unième siècle sur la Terre. Ce qui avait changé c'est que maintenant, les animaux, c'est nous.
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Dans ce futur-là, nous sommes des exilés de notre propre comportement, nous n'avons ni accès, ni maîtrise sur le savoir dérivé de notre expérience. Le savoir, l'autorité, le pouvoir appartiennent au capital de surveillance, pour lequel nous ne sommes qu'une"ressource naturelle humaine";
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Le capitalisme industriel a transformé les matières premières de la nature en marchandises, et le capitalisme de surveillance revendique la nature humaine comme matériau pour créer une nouvelle marchandise. Aujourd'hui, c'est la nature humaine qui est raclée, lacérée, et dont on s'empare pour le nouveau projet de marché du siècle.
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La convergence de la liberté et du savoir transforme les capitalistes de surveillance en maîtres autoproclamés de la société. De leur nid d'aigle perché sur les cimes de la division du savoir, un ordre privilégié d'ajusteurs gouverne la ruche connectée en la cultivant comme une source s'approvisionnent continue en matière première. De même que les managers du début du XX° siècle apprenaient à penser "d'un point de vue administratif", mode de connaissance requis pour appréhender les complexités administratives d'entreprises nouvelles et immenses, les grands prêtres d'aujourd'hui pratiquent l'art appliqué de l'indifférence radicale, un mode de connaissance fondamentalement asocial. Avec l'indifférence radicale, le contenu est jugé sur son volume, sa gamme, sa profondeur de surplus, tels que mesurés par l'équivalence "anonyme" des clics, des likes et du temps passé en ligne, en dépit du fait évident que ses significations profondément différentes proviennent de situations humaines bien distinctes.
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"Lorsque je m'adresse à mes enfants ou plus généralement à des jeunes gens, j'essaie de les prévenir de la nature historiquement contingente de "ce qui nous possède" [...]. Je leur dis que le terme de recherche correspond à un voyage existentiel plein d'audace, pas à l'index qui s'abat sur la touche pour faire remonter des réponses déjà existantes. Que celui d'ami est un mystère incarné qui ne peut être forgé que dans le face à face, le cœur à cœur. Et que la reconnaissance est la lueur familière que nous lisons dans le regard de notre bien-aimé, non la "reconnaissance faciale". Je leur dis que ce n'est pas juste que nos plus beaux désirs de nous lier, de ressentir avec les autres, de nous informer soient exploités par une draconienne opération de troc qui, dans la fouille omnisciente de nos existences, retient ces élans en otage. Ce n'est pas juste que le moindre de nos gestes ou de nos désirs, la moindre de nos émotions ou de nos expressions soit catalogué, manipulé puis utilisé pour nous aiguillonner subrepticement vers les temps futurs pour le bénéfice de quelqu'un d'autre."
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"Une visite dans la boutique du New Museum for Contemporary Art à Manhattan vous permettra d'admirer son article le plus vendu : un miroir dont la surface exhibe ce message en lettres capitales orange vif : "Le selfie d'aujourd'hui est le profil biométrique de demain"."
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Le mot « ciblé » est un autre euphémisme. Il évoque des notions de précision, d’efficacité et de compétence. Qui devinerait que le ciblage dissimule une nouvelle équation politique dans laquelle des concentrations de pouvoir informatique écartent le droit de décider des utilisateurs aussi facilement que King Kong chasserait une fourmi, et cela dans les coulisses, quand personne ne peut les voir ?

Ces euphémismes opèrent exactement de la même façon que ceux qu’on trouve sur les premières cartes du continent nord-américain où des régions entières étaient étiquetées sous le nom de « païens », « infidèles, « idolâtres », « primitifs », « vassaux » et « rebelles ». Sur la foi de ces euphémismes, les peuples indigènes – leurs lieux et leurs revendications – étaient supprimés des équations éthiques et juridiques des envahisseurs, légitimant les actes de prédation et de violation qui ont ouvert la voie à l’église et à la monarchie.
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Le fait que Google ait le pouvoir de choisir le secret témoigne en soi du succès de ses propres revendications. Ce pouvoir est une illustration cruciale de la différence entre « droit de décider » et « principe de vie privée ». Le droit de décider confère le pouvoir de choisir de garder quelque chose de secret ou de le partager. On peut choisir le degré de confidentialité ou de transparence pour chaque situation. Le juge de la Cour suprême des États-Unis, William O. Douglas a formulé en 1967 ce point de vue : « Le principe de vie privée implique le choix d’un individu de divulguer ou de révéler ce qu’il croit, ce qu’il pense, ce qu’il possède. »
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"Mais l'essentiel est là : nos enfants nous donnent à voir l'impact émotionnel que représente la vision de l'Autre : les jeunes gens en effet se retrouvent immergés dans la vie de la ruche, où l'autre est un "ça" pour moi, et où je fais l'expérience de mon moi comme un "ça" vu par les autres."
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