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Critique de piccolanina


L'amour ne choisit pas la couleur , la forme et la force de votre corps ; il surgit , pointe ses aiguilles emmiellées et transperce sans délicatesse sa partie si bien cachée : le coeur !
Que lui importe que vous soyez enfant de Narcisse , d'Héphaïstos ou même encore un vieux coucou ; il s'installe , ne s'occupe pas de vous faire du mal , surtout si l'objet de votre éros ne répond pas à ce feu qui vous ronge peu à peu et vous plonge dans le pathos .

Ce n'est pas de sa faute ; elle n'a rien demandé la petite fille riche du château . Déjà qu'il l'a offensée , ce soir-là , quand après avoir valsé et valsé encore , il n'a même pas vu où elle était nichée à le regarder , l'héritière des Kekesfalva .
Finalement , survolté dans ces tourbillons , presque en transe , il s'est présenté pour l'inviter à danser .
Autant ses bottes ont claqué , autant les nerfs d'Edith ont craqué ; le beau gosse venait de commettre la plus grande bévue de sa vie .

Tout affront réclame réparation ; il connaît la chanson , lui , le pauvre petit lieutenant de garnison dont l'Armée est son second foyer avec sa discipline , cette contrainte qui se colle à tout soldat quel qu'il soit .

Elle a accepté ses fleurs et l'attend dans son somptueux palais .

" J'étais trop impatient de savoir ma faute définitivement pardonnée (... )
Tenez , approchez donc ce fauteuil (... )
Elle parle avec la même nervosité qu'elle se remue , toujours staccato , sans pauses . Peut-être , pensai-je , que cette inquiétude , cet énervement est une compensation à l'immobilité forcée de ses jambes ."

Pourquoi s'est-il laissé inviter à cette soirée où le père aime recevoir des officiers ; sûrement pour revoir le joli minois d'Ilona , sa nièce , qui le fait tant rêver .
Mais quand Edith se lève sur ses deux béquilles , le lieutenant , si poli et si gentil , se sent mal à l'aise , voire méprisant devant cette marionnette articulée , au bruit incessant du "top-top; toc-toc " , qui s'avance dans sa vérité , dans son infirmité .

Avec le temps , Anton est marqué et séduit par les falbalas qui ornent cette demeure , ainsi que par la douceur et la bonne humeur des cousines . La sympathie qui les unit tous les trois , renforce leur amitié . Voilà notre officier recruté comme homme de compagnie à ses moments de liberté . le père témoigne aussi sa reconnaissance et s'humilie par des courbettes tant il voit sa fille heureuse .
Seul le docteur , un vrai saint , les met en garde devant l'espoir d'une guérison grâce à un nouveau traitement .
Le lieutenant les fréquente régulièrement , surtout Edith qui aime rester seule avec lui . Ne voit-il pas combien ses yeux brillent et pétillent quand il arrive ?

" Je t'ai rencontré simplement
Et tu n'as rien fait pour chercher à me plaire
Je t'aime pourtant
D'un amour ardent
Dont rien , je le sens , ne pourra me défaire ."

L'un se réfugie derrière sa compassion , l'autre affiche de plus en plus sa passion pour son camarade de rigolade .
Anton est conscient de l'importance de sa présence , n'est-il pas le médicament qui adoucit l'existence d'Edith ? Quand l'âme est sereine , elle aide le corps à se relever .
Mais l'officier est inconstant et naïf , parfois même lâche ; ses idées s'embrouillent , sa fierté l'annihile , une certaine commisération l'enchaîne .
Que veut-il vraiment ; on ne joue pas avec les sentiments , spécialement ceux d'un infirme !

Ah ! Stefan Zweig , jamais je ne l'ai autant contesté et apprécié ; Je l'ai joué à la " Anton" ,un jour oui , un jour non ; avec toujours un mouchoir prêt à essuyer ces larmes devant le drame , devant la grandeur de la petite paraplégique .
Je lui reproche son sexisme , encore une fois , et cette ineptie :
" Quand une femme se défend contre un amour qu'elle ne partage pas , elle ne fait qu'obéir à la loi de son sexe , le geste de refus lui est tout à fait naturel , et même , quand elle se dérobe au désir le plus ardent , on ne peut la taxer de cruauté . "
Que l'on soit une femme ou un homme , quand on n'est pas amoureux , on n'est pas amoureux !

L'auteur était d'origine aisée ; il semble aimer à le rappeler quand il évoque la richesse et plusieurs beaux mariages .
Aurait-il permis à son héroïne d'être une fille du peuple , handicapée , d'être amoureuse d'un officier et vanter son courage et son amour-passion ?


Fascination : les paroles de cette chanson sont de Maurice de Féraudy .



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