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Critique de Laureneb


Je ne partage pas la religion et la spiritualité de S. Zweig, je n'ai donc pas toutes les références pour comprendre les textes, ou, plutôt, les deux premiers textes. Car le rapprochement avec le troisième, qui s'appuie sur une légende hindoue et non sur la tradition juive, peut sembler incongru. J'hésitais sur les raisons de rapprochement, jusqu'à ce qu'une phrase de "Virata", le dernier récit - conte ou mythe ?, me donne une clef d'interprétation thématique : "l'arbitraire est ta loi".
Les trois récits s'unissent en effet autour du thème de l'obéissance, de la soumission, du respect absolu de l'autorité - ou de l'Autorité divine - et de ses lois - ou de sa Loi pour les deux premiers qui évoquent Dieu. Il est donc question d'obéissance : les juifs obéissent aux Vandales ou à Justinien qui incarnent la force et donc le droit, et, par dessus-tout, ils obéissent à leur Dieu. Virata, lui, obéit d'abord à son roi, puis à ses convictions de juges, puis à ses règles spirituelles d'ermite, puis à nouveau à son roi. Mais il est également question de libre-arbitre : dans le deuxième récit, Dieu veut châtier par le feu les juifs qui ont choisi de désobéir à ses commandements, tandis que Rachel est la seule à oser lui tenir tête et même à lui faire des reproches.
L'obéissance absolue ne peut donc exister puisque l'homme a une volonté qui le pousse à agir - ou à ne pas agir. C'est la volonté humaine qui nous empêche de se soumettre totalement à une autorité, et même à une divinité, quelle qu'elle soit. Il faut donc chercher à comprendre pour obéir et se soumettre, même à Dieu - c'est ce que le rabbin explique au jeune Benjamin dans le premier récit, il faut chercher à comprendre, à tout comprendre - pour saisir les desseins de Dieu ("le Chandelier enterré"), pour éprouver de l'amour et de la pitié au lieu de la colère (Rachel contre Dieu), pour trouver la sagesse (Virata).
Chaque mythe a également un intérêt littéraire et historique propre : "Rachel contre Dieu" met en avant un personnage féminin qui réussit là où tous les patriarches ont échoué. Virata rejoint d'autres récits de Zweig sur la prison, sur l'enfermement - je pense au Joueur d'échecs par exemple, et montre un intérêt occidental pour des philosophies orientales, en lien avec le respect de la nature et de toutes ses formes de vie. Quant au premier récit, j'y ai lu une allégorie contemporaine de l'écriture : des juifs sont humiliés, persécutés, parqués dans des ghettos, et massacrés par des pouvoirs envahisseurs, blonds ou bruns, Vandales ou Aryens - le mot est dans le texte. Zweig est lui-même sur le chemin de l'exil et de l'errance quand il rédige ce texte, où les personnages, peut-être comme lui, s'interrogent sur Dieu, se demandant pourquoi celui-ci laisse souffrir celui qui est son peuple élu. le récit date de 1937, mais glace par anticipation pourrait-on dire.
De grands textes de S. Zweig, dont la confrontation est particulièrement enrichissante.
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