Virata, sous-titré légende, a pour source principale le Bhagavad-Gita (Le Chant des Bienheureux), poème mystico-religieux, texte sacré de la plus haute importance en Inde.
Cette histoire se passe avant l' ère de Bouddha au pays des Birwagha. Virata, “l'Eclair du Glaive”, chasseur et soldat émérite, est poursuivit par le regard de son frère qu'il a tué lors d'une guerre civile, trompé par l'obscurité. Dès lors, Virata se met à l'écart de l'armée et refuse le glaive somptueux des rajputs; il promet de ne plus verser de sang, ni d'occuper de fonction militaire, car la force est ennemie du droit . Il assure désormais la justice du haut de l'escalier du palais royal. Sa renommée d'équité grandit et se répand, et jamais il ne prononce une sentence de mort en souvenir de son serment; on l'appelle “La Source de la Justice”. Au bout de la sixième année de son office, on lui amène un meurtrier qui ne se défend, ni n'implore la clémence, récusant la légitimité de son jugement. Alors Virata décide d'échanger sa vie avec le réprouvé le temps d'une lunaison, car “personne ne doit mesurer avec une mesure qu'il ne connaît pas” : le nouvel avis sera rendu juste par la connaissance du poids de la sentence. La flagellation qu'il reçoit lui enseigne tout le prix de la compassion; la réclusion dans l'obscurité est l'occasion d'atteindre à la pure contemplation, à la bienheureuse inconscience d'exister. Libéré par le roi, il implore comme une grâce d'être déchargé de toute responsabilité; il ne veut plus contraindre la destinée de qui que ce soit. En revanche les personnes viennent librement lui demander son avis éclairé, lui qui sent que conseiller vaut mieux que commander et concilier mieux que juger; il devient dès lors “le Champ du Conseil”. le désaccord entre lui et ses fils qui se fait jours sur la question de la fustigation d'un serviteur pour une faute légère, lui fait réaliser qu'il ne veut plus qu'agir en homme juste sans influencer la destinée d'autrui; il prend le baton de pèlerin et décide de vivre dans la contemplation dans une hutte au milieu de la forêt. “L'Etoile de la Solitude”, par son exemple, entraîne d'autres ermites dans la forêt. Mais un jour, forcé de se rendre dans un village pour rassembler le nécessaire à la fabrication d'un bûcher funéraire, il rencontre le regard haineux d'une femme tranchant complètement avec la bienveillance qui l'entoure. Cette épouse et mère éplorée lui raconte la triste réalité : la renommée de saint de Virata a poussé son mari tisserand qui faisait vivre la famille à suivre son exemple; il a tout abandonné pour gagner la forêt et le cadavre qu'il voit est celui du dernier de ses trois fils morts de faim. Il comprend alors que l'homme reste, malgré qu'il en ait, toujours lié à la communauté des humains. Ainsi, il prend le chemin du retour, accepte de servir son roi dans une tache des plus humbles et mourir dans l'oubli de tous, lui qui fut célébré par les quatre noms de la vertus.
Ce conte exotique est d'un grand dépaysement; il y court le souffle imposant des grandes légendes millénaires. L'oeuvre ne tranche cependant pas avec la structure des récits de son auteur et avec les idées phares familières au lecteur du conteur viennois. Un récit en forme de réflexion sur la justice des hommes, la sagesse acquise par l'expérience de la souffrance, la portée de tout acte, le prix de la liberté et sa limite dans la chaîne des responsabilités, la vanité de la renommée et des honneurs. Cette nouvelle est aussi l'occasion pour l'auteur d'afficher son pacifisme et son apolitisme.
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- Ta parole est vraie, et je vois que toujours la souffrance engendre une plus grande connaissance de la vérité que la sérénité de tous les sages. Ce que je sais, ce sont des malheureux qui me l'ont appris; ce que j'ai vu, c'est le regard de la douleur qui me l'a montré, le regard du frère éternel.
Car même celui qui n'agit pas commet une action qui le rend responsable sur terre.
Stefan Zweig, auteur à succès, se voulait citoyen d'un monde qu'unifiait une communauté de culture et de civilisation. Il n'a pas survécu à l'effondrement de ce «monde d'hier» qu'incarnait la Vienne impériale de sa jeunesse.
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