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Critique de le_Bison


« Lettres d'Amérique » n'est ni un roman, ni un recueil de nouvelles pour lesquelles l'auteur excelle, juste quelques lettres qui, mises bout à bout, apportent son ressentiment vis-à-vis de son exil, de sa patrie et de ce qui se passe en Europe, jusqu'à la date fatidique, celle de son suicide.

Je te propose d'abord une petite biographie. Cela ne fait pas de mal, cela enrichit tes connaissances sur l'auteur que tu pourras ressortir au prochain cocktail mondain. Peut-être un peu longuet pour certains esprits, comme toute biographie, certains aspects sont assez rébarbatifs. Mais, ce n'est pas vraiment un problème puisque tu es sous le soleil du Brésil à attendre aux abords d'une plage de sable fin qu'une serveuse, une plume sur la tête, t'apporte une pina colada, un parasol en papier dans le verre. Donc, en attendant d'avoir ton doucereux lait de coco, tu te replonges de nouveau dans le contexte de l'époque, celui de l'avant-guerre, et les explications des différents voyages de l'auteur autrichien. D'ailleurs, se sent-il encore autrichien à cette époque-ci ?

Aout 1940 – Janvier 1941. La première expédition du couple Zweig en Amérique du Sud. Ils s'installèrent au Brésil, Stefan fit conférence sur conférence, jusqu'à l'épuisement presque. Avec un peu de tourisme. Pas assez à son goût, ni à celui de Lotte encore moins du mien. J'aurais aimé partir un peu plus, aller à la rencontre des indigènes, découvrir de nouveaux territoires vierges, sentir la moiteur de mon corps… J'émets donc un bémol sur cette seconde partie que j'ai trouvé un poil trop long (je ne parle pas de ma barbe ; restriction budgétaire, il faut que j'attende le mois prochain pour m'acheter de la mousse à raser). La correspondance du couple est souvent sommaire et fortement répétitive. Fallait-il les réunir toutes ici ? Je me pose la question. Il est évident que cette répétition me fait sentir que le couple n'apprécie que modérément cet exil forcé, que les conférences sont devenues une obligation presque « forcée » ne serait-ce que pour remercier toutes les personnes et les états qui aident les Zweig. Mais dans ces lettres, j'y perçois de l'ennui. Il fait beau, il fait chaud, c'est le paradis et nous avons honte d'être là-bas, alors que la guerre sévit en Angleterre. Une fois, je le crois, dix fois je le conçois, cinquante fois, je trouve cela presque chiant. Enfin, ce n'est que mon avis. Mais puisque l'éditeur ne me l'a pas demandé, j'aurais quelque peu édulcoré le nombre de correspondances de cette période pour gagner en rythme et m'éviter de demander à la serveuse un nouveau cocktail avec une tranche d'ananas frais dedans.

Aout 1941 – Février 1942. Finis les cartons, je me pose dans la cambrousse, Petropolis. Pas de bibliothèque à disposition, ni de plages de sable fin ou de joueuses de beach-volley. Juste du calme, du repos, de la verdure et des joueurs d'échec. Malgré cela, cette partie est beaucoup plus intéressante. Car lorsque l'esprit n'est plus occupé avec ces incessantes conférences, il a le temps de cogiter. Et lorsque l'esprit cogite, il est rare que cela procure du bien. Dans ces dernières lettres, je perçois l'épuisement – physique d'abord, puis mental ensuite. Cette situation européenne chagrine le couple, l'attriste. Ils sont là sous un soleil paradisiaque, mais leur famille est à l'autre bout de la planète, sous les bombes et le joug des barbares. Stefan n'a plus la fraîcheur d'antan, ni même la passion. D'ailleurs, il n'écrira pas beaucoup durant cette dernière période. Mais petit à petit, je sens que la pression monte et que la fatigue use, jusqu'à un point fatidique. La fatigue, mais aussi ce déracinement et cet exil forcé. Il n'est plus autrichien, ne sera jamais américain, et si le Brésil apporte une part d'exotisme et de fruits paradisiaques, il ne sera jamais non plus sa patrie. Et un homme sans patrie, alors qu'un monstre sévit ailleurs, n'est plus grand-chose…
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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