AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Tannen


Ce minuscule essai n'est certainement pas ce que Zweig a écrit de plus gigantesque...
C'est un petit ouvrage à l'usage de ceux qui entendent se flatter qu'ils sont très différents de la masse, et veulent se rassurer que, quand même, ça ne fait pas le moindre doute qu'ils valent beaucoup mieux que le commun des mortels.
Si la question abordée est intéressante, on sent tout de même poindre un genre de réflexe du "vieux con" et de "tout était forcément mieux avant", que, même si je comprends bien la tentation réconfortante qu'il y a de s'y abandonner, je trouve personnellement toujours préférable de modérer quelque peu.
L'inquiétude est légitime cependant, et certaines remarques plutôt justes. Comme la défiance qu'il exprime vis-à-vis des "intentions philanthropiques" affichées par les États-Unis, ou la tendance à chercher le plaisir sans plus vouloir fournir le moindre effort.
On notera aussi dans tout ça l'étonnant paradoxe (mais le monde est fait de paradoxes) dans l'accusation faite aux États-Unis, berceau s'il en est de l'individualisme et du chacun-pour-soi, de vouloir tout uniformiser et aplanir, et d'ainsi du même coup anéantir toute individualité...
Zweig a sans doute anticipé de plusieurs décennies ce qu'on peut appeler l'américanisation du monde, la perte liée de nombre de singularités régionales, ainsi que celle du temps long, le règne de l'immédiateté. Mais faut-il pour autant incriminer par exemple la radio et le cinéma, laisser entendre comme il le fait qu'ils sont par nature des inventions néfastes ? Ne peut-on écouter une émission de radio, regarder un film, sans fournir en même temps sur eux un effort intellectuel et de compréhension, que ce soit sur le propos tenu, sur les techniques employées, sur l'esthétique visuelle, etc. ? N'y a-t-il là aucune beauté et travail de l'esprit ?
On comprend qu'il soit difficile de tout anticiper, et délicat d'imaginer dès son époque qu'il serait possible un jour peut-être d'intellectualiser de pareilles choses. Mais justement ! en tant qu'intellectuel, on est en droit d'attendre de lui qu'il ait ce recul nécessaire, et qu'il ne condamne pas d'avance les choses dans leur nature et par principe ! qu'il leur conserve le bénéfice du doute, qu'il exprime des craintes légitimes sur d'éventuelles dérives, oui, mais sans s'interdire d'en espérer tout de même des utilisations, des emplois positifs !
Il semble en général déplorer la démocratisation de l'art et de la culture, choses qui selon lui peut-être devraient continuer de n'appartenir qu'à des élites intellectuelles, et n'être accessibles qu'à elles. Quel mal voit-il au fond à ce que les "analphabètes" se ravissent du cinéma ? Ils n'auraient droit, eux, à aucune source de plaisir ? Si c'est comme ça qu'ils le prennent ! Tout le monde n'est pas doté de son cerveau de génie et de sa capacité à jouir de ses lectures et de réfléchir au monde qui l'entoure ! Il préconise quoi, donc, qu'ils n'aient aucun plaisir du tout, attendu qu'ils ne peuvent ou ne veulent avoir le sien ?
Tout ce que j'ai dit n'est que mon ressenti, évidemment. Mais, aussi, Zweig a fait des choses combien plus remarquables !
Commenter  J’apprécie          20



Acheter ce livre sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten
Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}