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Critique de Bruidelo


«La plupart des gens n'ont qu'une imagination émoussée. Ce qui ne les touche pas directement, en leur enfonçant comme un point aigu en plein cerveau, n'arrive guère à les émouvoir»
Peut-être la littérature est-elle pour notre imaginaire émoussé une sorte de meule ou de pierre à affûter, un remède à cette atrophie de notre sensibilité revivifiant notre déficiente capacité à nous émouvoir de ce qui nous resterait étranger et indifférent sans elle?
À la lecture de ce très court roman de Stefan Zweig -très court mais très dense-, difficile de ne pas éprouver une vive et profonde empathie pour Mme C..., de ne pas être emportés par la passion - du jeu ou de l'amour - si brillamment décrite comme une tornade à laquelle il est impossible de résister.
Le passage où Zweig se focalise sur les mains des joueurs, ces mains qui révèlent tout à qui sait regarder, est particulièrement impressionnant. Alors que les joueurs se concentrent sur leur visage en s'efforçant d'y appliquer un masque impassible, leurs mains trahissent sans pudeur ce qu'ils ont de plus secret. Sous les yeux de la narratrice, elles prennent vie, prennent leur autonomie, deviennent comme des êtres humains à part entière, sympathiques ou antipathiques, cupides ou prodigues, timides ou brutales - jusqu'à ce que deux mains d'une grande beauté, extraordinairement longues, follement passionnées, fiévreuses, accaparent l'attention de Mme C... qui ne peut alors s'empêcher de lever les yeux pour découvrir la figure reliée à ces mains qui la fascinent.
Le narrateur, au début du livre, dans la petite pension de la Riviera, ne parvient qu'à excéder ses interlocuteurs en refusant de condamner une femme ayant suivi «librement et passionnément son instinct, au lieu, comme c'est généralement le cas, de tromper son mari en fermant les yeux quand elle est dans ses bras», préférant chercher à comprendre. L'écrivain au contraire, nous enfonçant en plein coeur, en profondeur, sa peinture sensible et intelligente d'une foudroyante et irrésistible explosion du sentiment, nous élève au-delà du jugement des convenances sociales en nous faisant éprouver ces «puissances mystérieuses» plus fortes que la volonté et que la raison.
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