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Critique de Les_lectures_de_Sophie


C'est encore une sacré découverte que nous propose les éditions Aux Forges de Vulcain. Une fois de plus difficilement classable, car bien que ce livre soit de la science-fiction, on pourrait tout à fait le trouver en littérature blanche, si le libraire ne prête pas suffisamment attention à la quatrième de couverture… Comme le dit David Meulemans, éditeur de l'objet, dans une interview au site Elbakin : « Les forges sont une maison qui tentent de rétablir les droits de l'imaginaire au sein de la littérature générale – dans l'espoir de sauver la littérature générale de l'ennui le plus complet. » Je ne peux qu'approuver !
L'auteur, qui signe ici un premier roman très prometteur, est un habitué de la politique et des méandres du pouvoir, lui même haut-fonctionnaire et élu de la république. Si on ajoute que ses racines sont dans la Creuse, on a les bases de son roman, très ancré dans le réel, très réaliste même, bien que la magnifique région que semble être la Douvre n'existe (hélas ?) pas, bien que le bras droit du président ne soit pas un Commandeur, bien que le président ne soit pas une présidente… Mais son roman se fait l'écho de la colère actuelle des oubliés de la tête de l'Etat, des « décideurs », l'écho de la « France Périphérique » qui ne supporte plus la condescendance de la capitale. Jean-Baptiste de froment nous prouve sa connaissance à la fois du fonctionnement des institutions, mais aussi des préoccupation des français, en rédigeant son livre quelques temps avant la crise de désamour actuelle entre l'Etat et les français.
Deux personnages principaux dans ce roman, les deux côtés de la France : Claude, le Commandeur, bras droit dans l'ombre de la présidente de la république, et Barbara, jeune préfète déchue de la Douvre, département oublié de la République, aimée des habitants de ce coin de France, et qui le leur rend bien. D'un côté le pouvoir, et la certitude de son immuabilité, de l'autre le lien social et les espoirs déçus, qui donnent au peuple la force de mener une révolte. Toute ressemblance avec des événements récents serait-elle due au hasard ???
Le narrateur omniscient nous entraîne au fil des chapitres de personnage en personnage, nous faisant habilement voyager de Paris à la Douvre, en passant par les sombres coulisses dans lesquelles se font et défont les carrières… Car au-delà des pérégrinations de Claude et Barbara, c'est dans l'envers du décor que nous emmène l'auteur. Il nous montre comment les uns et les autres intriguent pour progresser, sans faire grand cas des potentielles victimes collatérales.
Claude est l'archétype du conn… que l'on aime détester, Iznogoud de la République, quand Barbara est l'élue du coeur et du peuple. L'une des preuves de l'impuissance de Claude, et de nombreux autres, face à Barbara est la misogynie ambiante. On ne peut pas être une belle jeune femme et avoir un cerveau, ni être capable d'assumer quelque pouvoir que ce soit, à l'exception de celui fourni par ses charmes. J'aurais aimé en avoir un démenti plus éclatant encore…
Outre une galerie de personnages dont beaucoup sont assez détestables de cynisme, on trouve un élément essentiel du livre, la Douvre. le département est un personnage à part entière, berceau de la révolte, mais aussi du renouveau grâce aux parisiens qui y viennent trouver le calme tout en restant connecté. Si ça n'avait pas été un département imaginaire, je suis persuadée que l'office de tourisme de la Douvre se serait retrouvé prit d'assaut, tant l'auteur nous la présente avec tendresse et sait nous donner envie de la découvrir.
J'ai eu quelques craintes avant de commencer ce livre, ayant lu la biographie de son auteur. Un agrégé de philosophie, haut-fonctionnaire de surcroît, j'ai eu peur d'être perdue dans un langage trop élaboré, une réflexion trop complexe pour mon cerveau, or si on va loin dans la réflexion, c'est toujours de manière abordable, et Jean-Baptiste de Froment sait nous emmener dans son univers et nous le rendre compréhensible. Aucun mal de tête, mais une lecture drôle et instructive, qui amène à une réflexion passionnante sur notre société.
Etat de nature est un roman qui se lit d'une traite, tant on a envie d'en découvrir la conclusion. La révolte douvrienne ira-t-elle jusqu'au bout ? le peuple renversera-t-il le pouvoir en place ? Pour une fois, une révolution populaire sera-t-elle couronnée de succès ?
Lien : https://leslecturesdesophieb..
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