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Critique de Xara0523


Ils ne pourraient être plus différents, les deux amis de « Jacques » – le jeune narrateur aux traits autobiographiques dont nous apprenons pas le nom –, en troisième de son bourgeois lycée Parisien : l'un, Philippe Robin, fils de notaire aux loisirs sportifs et manières viriles, et l'autre, David Silbermann, fils d'antiquaire, chétif, de teint jaune et aux yeux noirs, dédaigneux de la force et de l'agilité à l'exception de celle de l'esprit. L'un, tendant l'oreille ne qu'à son oncle Marc, de goût violent et d'orientation nationaliste, et l'autre, prodige précoce, venant de sauter une classe de lycée. Mais l'un, imprégné par les ressentiments antisémites des Français de France, déteste l'autre, juif, forçant le narrateur de se décider, entre une amitié facile mais dont il ressent la distanciation, et une autre, plus stimulante, qui met à l'épreuve sa conscience protestante.
Il choisit le Juif, Silbermann, dont il devient l'oreille et le second, lui défendant même contre les brimades de leurs camarades de classe, au risque de se voir lui aussi frappé d'ostracisme, pourtant ne pas si inconnu à ce descendant huguenot. Plus qu'une simple amitié entre lycéens, « exalté par la perspective du sacrifice », leur relation devient pour le narrateur une mission, quoique récompensant moralement comme intellectuellement.
Silbermann, lui, a peu d'estime pour les métiers lucratifs mais fin connaisseur des belles-lettres françaises, en dépit de son jeune âge, il rêve d'une carrière littéraire : « être Juif et Français, je ne crois pas qu'il y ait une condition plus favorable pour accomplir de grandes choses ».
Hélas, situé en 1922, à mi-chemin entre la réhabilitation de Dreyfus et les lois anti-juives du régime de Vichy, une calomnie juridique organisée par les nationalistes dont le père du narrateur est le juge d'instruction et celui de Silbermann la victime, force l'exil américain de cet ami « dépravant » et met fin aux rêves de celui-ci autant qu'à leur amitié fertile : « Ils triomphent, les Français de France ! Songe donc : un Juif de moins auprès d'eux !... »
Pour le lecteur s'identifiant avec sa cause, la fin du récit à la manière de « le retour de l'enfant prodigue » vient un peu comme un choc, mais la moralité que le narrateur, alors âgé de 14 ans, applique à lui-même et contre son entourage se révèle peut-être trop sévère pour durer ; en même temps elle exprime un certain pessimisme du côté de l'auteur qui lui semble propre.
Avec un oeil observateur et un style aussi élégant comme emportant, Jacques de Lacretelle traite avec l'antisémitisme un sujet fort osé dans son deuxième roman qui allait connaître un immense succès à l'époque (prix Fémina 1922) et paraît toujours d'actualité même près d'un siècle plus tard : « Vois-tu, chaque pays a les Juifs qu'il mérite... ».
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