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Critique de Lamifranz


Composer une anthologie poétique est toujours un peu à double tranchant : celui qui la compose est amené à faire des choix, et choisir c'est éliminer. Et donc prendre le risque que le lecteur, justement, attende le poème qu'on a écarté. La solution, c'est que celui qui compose l'anthologie soit le même que celui qui en est l'objet : c'est tout bonus, vous comprenez, si le lecteur ne trouve pas son poème favori, il ne peut pas s'en prendre à l'auteur ni au compositeur de l'anthologie puisque c'est le même, et de plus, si c'est un inconditionnel du poète anthologié (stop néologisme !), il acceptera les yeux fermés les choix de son idole.
Quand l'anthologiste et le poète sont la même personne, c'est donc beaucoup mieux, et quand, de surcroît, cette personne s'appelle Paul Eluard, le risque de déception disparaît tout à fait.
L'anthologie ici présentée réunit, choisis par le poète lui-même, les plus beaux poèmes de toute une vie. Autant dire que c'est ce qui se fait de mieux sur le marché. On y trouve les poèmes de jeunesse, ceux de la guerre de 14 (avec les exceptionnels "Poèmes pour la Paix"), les poèmes de l'entre-deux-guerres, de l'époque surréaliste (dont "L'Amoureuse"), ceux de la Seconde guerre mondiale (dont "liberté") et enfin ceux des dernières années. Autant de petits bijoux ciselés avec amour, sincérité, et un sens poétique inégalé : Eluard c'est une fluidité, une transparence, une fraîcheur, Eluard, c'est l'eau d'une source que l'on prend dans sa main, et qui nous abreuve de plénitude et de bonheur. Oui, même quand le poème est triste, ou révolté, il y a derrière les mots d'Eluard une plénitude, une bienveillance, une empathie, qui fait qu'on est d'accord avec lui, et d'accord avec nous-mêmes. Et pour chanter l'amour sous toutes ses formes, ce sont des mots de tous les jours qui deviennent des mots de toujours :
LESQUELS ?

Pendant qu'il est facile
Et pendant qu'elle est gaie
Allons nous habiller et nous déshabiller

Peut-on mieux décrire en si peu de mots, et avec autant de clarté, la fugitivité du temps qui passe et la nécessité de profiter à fond du temps présent ?

Autre inspiration : la guerre, l'Occupation, les années noires :

COUVRE-FEU

Que voulez-vous la porte était gardée
Que voulez-vous nous étions enfermés
Que voulez-vous la rue était barrée
Que voulez-vous la ville était matée
Que voulez-vous elle était affamée
Que voulez-vous nous étions désarmés
Que voulez-vous la nuit était tombée
Que voulez-vous nous nous sommes aimés

Deux courts poèmes sur les 280 présents dans l'anthologie. Tous plus beaux les uns que les autres...

Si vous n'avez pas les moyens de vous payer les Oeuvres complètes d'Eluard (Bibliothèque de la Pléiade, 2 volumes), cette anthologie, disponible chez tous les bons libraires, vous tend les bras.
Et moi je vous souhaite bien du plaisir.
Je n'ai même pas à vous le souhaiter, le plaisir viendra de lui même, dès les premiers mots du premier vers du premier poème...
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