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Métamorphose - BD

Série de 3 livres (Terminée). Écrite par Claude Renard (3), François Schuiten (3),


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Métamorphoses - Intégrale

Un jour, en essayant de ne pas y laisser ma santé mentale (déjà bien entamée par mes vacances à R’leyh, qu’on m’avait pourtant vantée comme un lieu particulièrement pittoresque et authentique), il faudra bien que je vous parle de l’œuvre maîtresse de François Schuitten, Les cités obscures. Scénarisée par son compère Benoît Peeters, cette fresque culte de bandes dessinées possède une quinzaine d’albums parfois expérimentaux, sans compter les nombreux hors-série aux formats variés (dont certains sont de temps en temps comptés comme faisant partie de la série), CD, films en direct-to-DVD et sites plus ou moins officiels. Les cités obscures, c’est un rabbit hole, lui-même contenu dans un autre plus grand : toutes les autres œuvres rétrofuturistes d’un dessinateur sortant des sentiers mille fois rebattus du steampunk / dieselpunk / eccétérapunk, pour déployer une imagination singulière avec pourtant une vague impression de familiarité. Prenez Les Terres creuses, par exemple : c’est encore plus jusqu’au-boutiste dans le surréalisme. Mais il faudrait encore compter Revoir Paris, Aquarica, et surtout Métamorphoses, qui nous a été rééditée il n’y a pas si longtemps en intégrale avec en bonus entre les deux tomes une histoire plus courte qui n’était sortie jusqu’ici qu’en portfolio. Et ça tombe bien, car cette série est une bonne porte d’entrée pour le reste de son travail : déjà parce qu’elle est assez courte, ensuite parce qu’elle est une sorte de chaînon manquant entre les récits de mondes démesurés et absurdes des Terres creuses et ceux à échelle plus humaine, propices à la satire et à l’inquiétante étrangeté, des Cités obscures.



Aux médianes de Cymbiola



Dans ce qui semble un monde de fantasy désertique, des explorateurs font route vers une ancienne pyramide, guidés par un mystérieux coquillage ; à notre époque contemporaine, d’autres sont à la recherche d’un monument similaire dans la forêt amazonienne. Dans le début du premier récit, nous voyons un homme tenter de voler avec des ailes à la Léonard de Vinci, pour bien entendu échouer ; dans celui du second, la technologie a évolué, c’est désormais devenu banal comme nous le montre une arrivée en hélicoptère. Pourtant, les deux quêtes sont vouées à l’échec : certaines reliques du passé doivent être laissées tranquilles, plutôt que se faire arracher à leurs peuples par des occidentaux sans gêne.

Hélas, le fait que nous ne sachions pas ce que deviennent les personnages laisse un désagréable sentiment de fin en queue de poisson. Il ne leur est offert aucun moyen de rebondir, alors que nous avions fini par nous attacher à eux : ce qui nous intéresse dans leur voyage n’est à aucun moment le pillage des ressources, mais bien l’émerveillement. Le trait déjà riche de Peeters et celui de son co-scénariste Claude Renard voient leurs détails démultipliés par l’usage exclusif du crayon (donc, pas le moindre encrage) : chaque case mêle ainsi un fourmillement de détails à des surfaces plus épurées, comme s’il fallait capter à tout prix l’esprit de la jungle et surtout celui du désert. Bref, j’aurais aimé un voyage de plusieurs tomes à travers Cymbiola.



L’Express



Deux inconnus font l’amour dans un train, et quelque chose de merveilleux se produit lors de leur rencontre. Ce récit extrêmement simple en portfolio a le mérite d’être synthétique, mais aussi fatalement très frustrant. Mais au fond, n’est-ce pas assez souvent lors des orgasmes que l’on croit déceler une autre réalité qui aussitôt nous file entre les doigts ?



Le Rail



William Davis, représentant d’un syndicat spécialisé dans les mesurettes (on ne citera pas de nom), rentre chez lui, visiblement très fier de lui. Hélas, petit à petit, son véhicule cesse de fonctionner. Commence une descente aux enfers au beau milieu d’un monde où plus rien déjà ne fonctionnait, à part pour lui et quelques autres…

L’univers du Rail est une dystopie rétrofuturiste obsédée par le productivisme : la végétation a quasiment disparu pour laisser place à des champs de boue à perte de vue ; les habitants des villes sont obsédés par le consumérisme quand les ouvriers de la périphérie se retrouvent (naturellement) en guenilles ; l’entraide a été totalement remplacée par une technique toujours plus complexe ne faisant qu’apporter une temporaire satisfaction. Au final, cet arsenal devient tellement complexe qu’il se détraque, la perte de contrôle étant d’autant plus ressentie par la mise en page de la bande dessinée, composé d’épisodes de deux planches très codifiées et auxquels se rajoutent de plus en plus d’éléments généralement inutiles. Tout comme chez Kafka, les personnages sont prisonniers d’une société technocratique absurde ; tout comme chez Buzzati, le héros perdant sa naïveté ne pourra rien attendre des gens qu’il rencontre à part les éternelles rengaines sur de grands idéaux abstraits. Pourtant, contrairement au Transperceneige, une autre BD bien plus culte publiée à la même époque et elle aussi dans Métal hurlant, la critique du capitalisme et de l’artificialisation du monde ne débouche pas sur une fin nihiliste : aussi mal que se termine Le Rail, il offre quand même à son héros une dernière valeur à laquelle se rattacher.

Du coup, cette BD me met face à une des multiples bizarreries administratives du blog : est-ce que je dois lui décerner la mention « Lu et approuvé » (auquel cas ça voudrait dire que je considère les intégrales comme un ensemble d’éléments différents, donc que mes critiques pour elles sont l’équivalent d’une rétrospective) ou ne pas le faire (afin de continuer à considérer une intégrale comme un tout, soit l’équivalent d’un recueil ?). J’ai choisi la deuxième option, afin de ne pas surcharger les sections de mes articles de mentions différentes du reste de l’article. De toute façon, une dizaine d’années plus tard, un tome des Cités Obscures sortira avec un récit très noir, renouant avec les mêmes inspirations littéraires, mais qui proposera cette fois à la fin une vraie lueur d’espoir, avec la proposition d’une issue : Brüsels.



Conclusion



Métamorphoses est donc une intégrale très recommandable, mais qui laisse souvent sur un goût d’inachevé. C’est d’autant plus palpable que des crayonnés nous révèlent en fin d’album qu’un troisième album aurait dû voir le jour, et qu’il aurait été assez spectaculaire. Qu’importe, c’est un bon début pour qui voudrait s’intéresser à Schuitten et l’occasion pour moi de me rappeler que je suis loin d’avoir encore tout lu du bonhomme. Je vais vraiment devoir m’y coller sérieusement, après tout, c’est pour ma culture…
Lien : https://cestpourmaculture.wo..
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