Avec ce nouvel ouvrage, "Le retour du capitaine Nemo", Benoît Peeters et François Schuiten signent un double retour. Celui, d'abord, de leur série phare Les Cités Obscures, mais aussi, au travers de cet album hommage inspiré de l'oeuvre de Jules Verne, celui du célèbre capitaine Nemo. Leur ouvrage s'associe aussi à l'hommage qui va être marqué par l'arrivée d'une sculpture en bronze en 2025 en centre-ville d'Amiens, celle du Nauti-poulpe. A l'occasion de son passage au festival international d'Angoulême de la bande dessinées, Benoît Peeters nous offre une brève mais intense interview sur ce nouvel et bel album des Cités Obscures.
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Rien de plus effrayant que l'inconnu,
rien de plus dangereux que l'ignorance.
« Jette les yeux sur moi, ô mon fils »…Ça ressemble au texte qu’on retrouve sur la stèle des rêves, au pied du Sphinx de Gizeh. Il s’agit de la parole du dieu Ré s’adressant en rêve à Thoutmôsis IV pour lui demander de l’aide. Peut-être que ce rêve est une sorte d’appel à l’aide…
Il faut être toujours ivre. Tout est là: c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Après tant d'années vouées à la destruction, il ne me déplaisait pas de jouer un autre rôle.
Ce n’est pas un monde parfait qui nous est présenté (on y fait la fait la guerre, il y a des esclaves, la justice punit lourdement), mais un état rigoureusement organisé par les hommes de façon à ce que les vertus l’emportent sur les vices, que règne l’égalité et que le pouvoir soit exercé sous le contrôle des citoyens.
(François Rosset, à propos de l’Utopia de Thomas More)
Pour la dernière fois, général, demandez à vos scientifiques de mesurer les risques d'un possible réaction en chaîne. Parfois le remède est pire que le mal.
D’après vous, où se niche l’âme d’une ville ?
C’est ce qu’on ne voit pas ! C’est pour cela que j’aime le dessin, car il apporte quelque chose que la photographie ne peut pas nous donner. Le dessin révèle, il sublime; pour exister, il doit trouver la dimension invisible. Et Bruxelles est une des villes les plus intéressantes quand on s’intéresse à ce qui ne se voit pas. Le charme de Bruxelles ne se donne pas comme ça, il faut du temps, contrairement à Paris qui est grandiloquente, mais qui a tendance à cacher la misère sous le tapis. Bruxelles, c’est le contraire, on n’y a pas éjecté les communautés fragiles en banlieue, elles vivent au coeur de la ville. En s’y promenant, on voit des gens, des maisons, des jardins et des personnages formidables… Et puis c’est une ville d’artistes, car Bruxelles est très ouverte et cosmopolite, elle est accueillante pour les artistes, ils s’y sentent bien. L’âme d’une ville, c’est quelque chose de troublant et subtil. C’est très compliqué de faire visiter Bruxelles à un touriste, par exemple. On a envie de lui dire « Ne regarde pas par là, mais plutôt par ici ». Alors qu’en fait, on doit accepter qu’elle est comme elle est: un chaos de bric et de broc qui est au final sa plus grande richesse. Elle est à l’image du monde qui est le nôtre. Bruxelles nous projette au coeur même de notre époque avec ses tensions et ses contradictions. C’est pour cela que je l’aime tant !
[Interview publiée dans "So Soir", supplément du journal "Le Soir", 18/12/2021]
Peut-être suis-je simplement tombée au mauvais moment... je ne peux pas croire que les parisiens soient tous aussi agressifs.
Il n'y a pas de présence sans trace et pas de trace sans disparition.
Le sentiment que nous imposait cette vision était celui d'une forme d'organisation humaine qui avait disparu mais dont les vestiges, bien loin de présenter des caractères archaïques, montraient au contraire tous les traits d'une évolution technique qui égalait ou même dépassait tout ce qui nous était familier. Il était à peu près inconcevable qu'en un site ignoré de tous se soit développée et éteinte une civilisation à ce point semblable à la nôtre, mais qui en avait poussé plus loin encore les performances. Une autre hypothèse consisterait à admettre que nous avions sous les yeux les restes des établissements, gigantesques, de pionniers venus de notre monde dont l'aventure tenue secrète avait été interrompue pour une raison qui nous échappait encore. Et, dans ce cas, nous étions en train de contempler les ruines de notre propre futur.